lundi 15 septembre 2008

LE VIDING


Quand j’étais enfant, sur les bancs de l’école,
On m’avait appris des chansons et des farandoles,
Les sciences de la vie, du calcul et de la géographie,
Mais aussi des leçons d’histoire avec des héros aux conquêtes inouïes…

On m’avait appris que Calypso était une nymphe de mer,
Fille d’Atlas, éperdue de passion pour Homère…

On m’avait appris que l’Odéon était un imposant édifice de la Grèce antique,
Temple de poésie, de chant, de théâtre et de musique…

On m’avait appris que Manhattan est une métropole aux gratte-ciels impressionnants,
Surplombant la statue à la flamme éternelle, centre d’un monde trépidant…

On m’avait appris que Bora-Bora était une terre sacrée, créée par les Dieux,
Eden terrestre à l’histoire millénaire sous le souffle d’un Eole ténébreux…

On m’avait appris que le sixième roi de Babylone, Hammourabi, créa le terme Maximum, Sur une contrée jadis rayonnante, étincelante par le savoir de ses hommes…

On m’avait appris que le Cotton Club était une salle de concert mythique à Harlem
Que Joséphine Baker, la princesse Tam-tam, transforma en fabuleux emblème !

On m’avait appris que Barfly était un chef d’œuvre du septième art,
Avec une Faye Dunaway radieuse et un Mickey Rourke au sommet de sa gloire…

On m’avait appris que l’été rimait avec vacances au bord de l’eau,
Tranquillité et quiétude sur des plages à perte de vue, sous d’interminables flots…

On m’avait appris tant de choses, on m’avait donné tant de leçons,
Mais les lignes du cahier sont bien loin de notre quotidien sans passion…
L’été rime désormais avec soirées, dépenses et nuits blanches
Au son d’un vacarme tecktonisé d’un samedi noir à la première lueur du dimanche,

Mes leçons d’histoire, de culture générale et de géographie
Sont classées au rang de l’oubli !
Calypso rime avec une piste comble au coude à coude
Pour une foule ivre de sueur, vibrant sur un rythme de foudre !

L’Odéon est sitôt le temple de la house et du techno disjoncté
Sur les airs endiablés des DJs en paillettes, sur leurs platines scratchées !
Manhattan surplombe les ruelles touristiques bondées
Par une file interminable de voitures déchaînées !

Bora-Bora, sous le ciel étoilé de la cité perlée
Ramène la crème des teenagers aux poches truffés de billets !
Le Maxximum crée l’évènement avec ses jeunes bien habillés, bien coiffés,
Qui trépident sur des sons noyés dans leurs verres bien glacés !

Le Cotton Club a terni sous les projecteurs et les stroboscopes traumatisants
Eclairant une horde baignant dans le vice du « M’as-tu vu » déroutant !
Sur la plage interminable du Barfly, sous un soleil de plomb,
Les vagues se déhanchent sur un tecktonick en ébullition !

Pour la prochaine saison estivale,
Une idée de génie traversa mon esprit démoniaque de chacal,
Pour cette horde bestiale,
Aux instincts de cannibales,
Je vais ouvrir la plus grande et attrayante des boîtes de nuits, sans égal…
L’argent coulera à flot jusqu’aux premières lueurs matinales
Sur des tables où les cocktails ont une saveur tropicale
Au prix battant largement celui du baril du pétrole ! Un vrai régal !
Ma boîte sera truffée de danseuses triviales
Se déhanchant sur une rythmique tribale…
Les mâles affamés ouvriront grand leurs yeux pour un spectacle intégral,
Ils ouvriront grand leur porte monnaie pour ma plus grande joie animale !
Ma boîte sera le lieu de multiples rencontres joviales
Qui mettront en péril certaines relations conjugales
Ou quelques ententes syndicales…

Les plus grands seront là pour des soirées phénoménales,
Eh oui, je dois défendre mon image commerciale !
De Sinclar à Guetta,
De Solveig à Vendetta,
En passant par Warren
Et DJ Tarkan !

Ma boîte rimera avec « ing »
DJing…
Clubbing…
Bling-bling !
En euros, dollars ou livres sterling !
Dépensez, dépensez mes amis, mes chers clients,
Je viderai votre cervelle de ce qui lui reste de sensé,
Je viderai votre compte jusqu’aux derniers billets économisés !
Mes videurs colosses vous dépouilleront jusqu’à la dernière liasse,
A la fin de la soirée, vous serez vides ! Je serai plein aux as !
Ma boîte s’appellera « LE VIDING » !

jeudi 7 août 2008

LA CORDE & LA PLUME (2008)


Do, donner de soi, puiser dans sa foi,
Briser la corde autour du cou, la langue de bois,

, régner dans les cieux, crier, chanter sa haine, sa joie…
La corde impose sa loi.

Mi, miroir de leur âme troublante d’émois,
Au grincement d’une corde sous leurs doigts…

Fa, fabulistes des contes de mille et une nuits,
Qui nous emportent au loin, si loin de nos soucis,
Si près de nos tourments qui broient nos entrailles,
De notre sang, de nos origines qui déraillent.

Sol, solides comme un roc, fragiles tel un enfant,
Ils se plient à chaque note et se blottissent tremblants…

La, larme perlée où résonnent leurs accords, leur rage,
D’une consonance, d’une cadence éternelle, sans âge…

Si, silhouettes imposantes, douces, friables,
Courbées sur des cordes qui sillonnent une vie vulnérable…

Leurs cordes enchantent, libèrent les âmes,
Rallument le bonheur, la folie et toutes les flammes.
Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si…
Leur gamme tourne et tournoie, ailleurs et ici,
Incroyable manège qui chavire dans ma tête,
Je m’accroche à ma plume pour entonner à tue-tête
La gamme de ma plume fébrile
Indélébile :
A, B, C, D, E, F….

PRINTEMPS DAMNE

Printemps damné
(Texte original de P.Cassella « Maledetta Primavera », Interprété par Loretta Goggi, Sanremo 1981)

Envie de me serrer contre toi,
Un verre à la main, de belles roses et nos vieilles chansons…
On riait de nous, mais ma foi…
Nous nous aimions…
Printemps damné…

Que reste-t-il d’un rêve érotique
Si le matin, l’aube le transforme en tendre poème solitaire
Sans tes mains pour choyer ma peau orpheline, lyrique…
Comme si notre amour n’avait jamais existé, illusions amères…
Comme une fatale erreur,
Je ferme les yeux, et je pense à toi….

Il retournera,
Ce printemps damné,
Pour sonner le glas
De mon amour enterré…
Je porte le mal de ton corps évanoui,
De mon cœur abandonné
Dans le froid de la nuit
De ce printemps damné…

Que reste-t-il dans mon cœur déserté, baigné de chagrin ?
Les souvenirs d’une caresse furtive,
L’éclat pâle de ton étoile qui s’éteint,
Comme une fatale erreur sur ma rive…
Tu fermes les yeux, et tu penses à moi…

Il retournera,
Ce printemps damné,
Pour sonner le glas
De mon amour enterré…
Tu portes le mal de mon corps trahi,
De ton cœur aliéné…
Dans le froid de la nuit
De ce printemps damné…

Je t’inventerai dans mes chimères les plus folles,
Tu seras mon délire, mes ritournelles et mes farandoles,
Seul, avec ton odeur qui frôle ma peau abandonnée
Je serai maudit, dans le froid de la nuit glacée,
De ce printemps damné…

mercredi 16 juillet 2008

EN VOLANT... AU VOLANT!


Une partie d’échecs contre Kasparov
Est un jeu d’enfants comparée à la conduite de fauves
Sur les pseudos routes en gruyère
De nos sublimes villes prospères !
Les fables de la Fontaine se racontent sur nos routes,
La tortue qui rattrape le lapin, la fourmi qui écrase son amie la cigale en choucroute !
Le corbeau qui toise le renard d’un arbre perché du belvédère,
Bref, une vraie jungle sur nos routes meurtrières !
D’un dos d’âne à un dos d’âne, de bosse en bosse,
Les routes sont des montagnes russes, des colosses.
Et si par malheur ta caisse, tu la gares
Sans prêter gare
A la grosse caisse bleue qui avale tes pièces
Et te délivre le ticket de la sagesse,
Alors adieu ta caisse, bonjour la fourrière,
Et plus de pièces tu payeras à ceux qui gèrent
Cette fameuse fourrière,
Créée de nulle part, sortie d’un néant éphémère !
Et si par bonheur tu récupères ta caisse,
Bonjour les malheurs sur les routes de l’ivresse !
Tu as beau crié ta tristesse,
La route te répond en écho : « Si tu savais ma détresse ! »…
Les feux clignotent à l’orange, les rouge et vert ont depuis belle lurette
Pris la poudre d’escampette
Et fuit cette poudrière à retardement
Où toutes les couleurs se confondent, imperturbablement,
Où tout vire au rouge, entre insultes et injures,
Bagarres et combats sur les routes de la torture…
Les keufs sont dépassés, entre leur sifflet et leur bâton
Qu’ils secouent avec une hystérie maladive sous un soleil de plomb,
Nargués par les fils à papa, en coupe tecktonick
Avec leur savate de plage dans leur décapotable à cent briques,
Sous leurs lunettes noires à minuit vingt six,
Dans leur jeans « Le temps des cerises »
Qui coûtent deux fois plus cher que la caisse du pauvre voisin apathique
Qui les voit voler dans leur bolide diabolique
Vers des abysses certaines…
Amen…

3 HOMMES ET UN COUFFIN


C’est l’histoire de trois hommes,
Amis, complices, réglés comme un métronome,
Ils ont grandi ensemble, dans le même quartier, dans la même rue,
Joué sur les pavés aux noyaux d’abricots et aux billes, sacrée tribu !

C’est l’histoire d’un couffin, venant du sud,
Avec ses anses en plastique, et ses fibres en alfa rudes,
Décoré d’un chameau approximatif, en fil de laine multicolore,
Il portait le nom de la ville où il fut conçu par des mains en or…

***

Le premier homme portait toujours le couffin,
En revenant du marché, de Carrefour, ou de chez le voisin…
Il le portait pardessus les épaules, sur la tête ou à deux mains,
Porter le couffin est un art, il en a fait son gagne pain.

Il le portait sans prétextes et sans complexes
Sur son dos qui se courbait de jour en jour et devenait convexe !
Il léchait les bottes de son patron et les talons de ses ex,
Dans ce monde qui le contemplait complice ou perplexe !

Il portait le couffin de l’aube à la tombée du jour,
Argumentait ses péripéties de belles paroles et de poèmes de troubadour,
Il distribuait les compliments et prodiguait les louanges
Qu’il conservait jalousement dans son couffin étrange…

Il portait le même couffin mais changeait souvent de veste,
Au rythme de ses jours et de ses nuits qui empestent,
Il remplissait de ses glorifications hypocrites et de ses apologies funestes
Ses poches, avec un argent sali, teinté d’infamie et de bassesse.


***


Le deuxième homme remplissait son couffin,
De faux éloges et de compliments chafouins…
Il gonflait le torse heureux de ses galons clinquants,
Fier de ses grades qui pendillaient avec leurs rubans.

Il remplissait son couffin d’un argent détourné, volé
A une peuplade soumise, complice et rabaissée,
Une peuplade qui se défonçait au hash et à l’alcool
Pour l’enfoncer encore plus sur son trône éternel de farandole…

Il se remplissait les poches et les moindres recoins du couffin
Et transportait ces biens (sic!) vers d’autres couffins lointains,
Plus il s’enfonçait dans les délicatesses de son règne éphémère
Et plus le peuple se défonçait pour fuir sa souffrance et sa misère…

Mais un couffin plein ne suffit jamais, il faudrait remplir des centaines et des milliers,
On ne sait jamais, la vie nous réserve de mauvaises surprises, il vaut mieux assurer !
Le deuxième homme remplissait son couffin
Et la horde baignait dans son chagrin…


***


Le troisième homme vidait les couffins sans gêne ni retenu,
Il vous suivait avec ses yeux dévêtus, ses yeux civils, ses yeux en tenue,
Il vidait vos couffins pour emplir le sien de vos histoires, de votre histoire assassinée,
De votre passé, de vos gestes, de vos dires et de vos secrets.

Il se fondait dans la foule
Pour brouiller les ondes d’une masse qui s’écroule,
Il s’insinuait dans les méandres de vos vies,
Et vidait vos mémoires aigries…

Il vidait nos couffins comme on décervelait un humain,
Pour n’en faire qu’un robot obéissant, docile et inhumain,
Pour en faire une masse résignée, vidée de sa rage et de ses droits,
Un peuple aveugle, sourd, muet mais « roi » !

« Roi » d’une surconsommation déraisonnée,
« Roi » des soirées de beuveries déchaînées,
« Roi » de fantasmes sur des starlettes dénudées,
« Roi » d’un présent en paillettes orientalisé,
« Roi » d’un futur incertain, douteux, brouillé,
« Roi » d’une liberté sécurisée,
« Roi » des statistiques erronées,
« Roi » d’un royaume désenchanté…
Mais esclave de son présent opprimé.



***



Et nous, dans toute cette « ratatouille » sociale?
A quel homme ressemblons-nous ? Qui est notre égal ?
Au premier, porteur de couffins,
Lécheur de bottes, rapporteur, mouchard et mesquin ?
Au second, bâtissant son empire éphémère
Sur le dos d’une masse affaiblie et austère ?
Ou au troisième qui vidait les couffins
Et jouait de nos vies comme de pauvres pantins ?

A aucune de ces caricatures sociales,
A aucune de ces parodies bestiales !

Nous, nous sommes le couffin,
Portant dans ses fières fibres d’alfa notre rage et notre chagrin,
Nous sommes ce couffin au masculin,
Au féminin,
Qui crache sur leur déclin,
Sur leurs pots de vin,
Avec notre venin
Parfumé de jasmin,
Pour leur vagir en vers Alexandrins,
Notre envie de vie, notre amour de citadin,
Notre refus de leur Kremlin,
Du fond des mines ou du haut d’un gratte-ciel cristallin,
Nous tracerons notre chemin,
Nous battrons sur les tambourins,
Fiers d’être les couffins
De la Liberté !

Mère..


Si le ciel était amour,
Tu serais une étendue infinie d’un azur flamboyant,
Où je volerais, comme une hirondelle, dans les méandres de ton temps…

Si l’eau était amour,
Tu serais ces océans d’émeraude miroitants et cristallins,
Où je nagerais libre et affranchi, tel un fier alevin…

Si le feu était amour,
Tu serais les flammes qui réchaufferaient mon cœur,
Le soleil qui éclairerait ma vie, mes matins de bonheur…

Si la pluie était amour,
Tu serais ces perles qui abreuveraient ma soif de vie,
Ces gouttes qui noieraient mon chagrin, mes souvenirs endoloris…

Si les saisons étaient amour,
Tu serais mon printemps, ma fleur bénite,
Mes champs, mes roses, mes chrysanthèmes, mes marguerites…

Si l’alphabet était amour,
Tu serais mon alpha et mon oméga, mon début et ma fin,
Les lettres qui consigneraient les pages de mon destin…

Si la musique était amour,
Tu serais mes notes, égayant mes jours et mes nuits,
Tu serais ma symphonie, mes mélopées et mes mélodies…

Si la nuit était amour,
Tu serais ma lune, mes étoiles et mes astres du soir,
Tu serais la fée de mes rêves, ma lueur dans le noir…

Tu es mon feu céleste, mes chants qui résonnent,
Tu es la savoureuse brise qui caresse mes hivers et mes automnes…
Tu écris l’histoire de ma vie avec tes doigts de prude,
Tu arroses de ta pluie d’amour mes nuits de solitude…

Tu es ma révolution, mes écrits et ma foi,
Ma raison, mon égérie, ma rage et mon toit,
Tu es mon sang, ma chaire, ma lumière…
Mère…

LA CUISINE


Il est deux heures du matin,
Une insomnie nerveuse ronge mon lit solitaire,
Je fixe le plafond d’un regard vide, incertain,
Un regard amer…
Je n’arrive pas à dormir, ni même à rêver,
Je ferme les yeux, je m’efforce de ne plus penser à elle ni à son doux visage…
Des pensées cauchemardesques frôlent mes visions inachevées…
Elle me hante, me tourmente, me saccage…

Je me lève péniblement et me dirige vers la cuisine éclairée par la lueur de cette lune timide qui pénètre à travers les stores fermés.
Je me plais dans cette pénombre striée, dans cette obscurité éraflée, comme un animal en cage.
Je sens son parfum, sa fragrance vanillée pénètre mes narines et envoûte mes conduits olfactifs, à m’enivrer…
Je la sens en moi, elle est là, dans chaque coin, dans le moindre recoin de cette pièce, cette pièce qui a connu les péripéties tumultueuses de nos ébats, de nos disputes et de nos réconciliations, de nos passions et de nos amours…

Je caresse le rebord métallique et glacial de la petite table où nous mangions, où nous partagions ces éclats de rire dont toi seule as le secret, où nous nous perdions dans des disputes interminables et des pleurs inconsolables…

Tes mots surgelés que tu conservais bien au frais
Glaçaient mes veines et mon sang, paralysaient tes traits…
De temps à autre, tu en sortais une part bien glaciale
Que tu enfonçais dans mon corps, comme des pics fatals…
Pétrifié, transi, je te laissais faire, mes yeux frôlaient ta colère,
Je voguais sur cette mélodie stridente et polaire,
Je m’envolais au son de tes éclats de voix et des éclats de verre…
Puis vint le calme, les larmes et ton parfum embaumait ma chair…

Que tu es belle !

Je me rappellerai toujours ce matin d’automne, tu t’es faite belle pour moi, tu annonçais un printemps précoce mais prometteur, ton ventre s’arrondissait et tu avais choisi ce jour pour m’annoncer la grande nouvelle, dans la cuisine…
J’étais étourdi, abasourdi. J’avais l’impression d’être ce bâton de fondue qu’on enfonçait dans un bol bouillant et fumant pour attraper un morceau de viande perdu dans un océan ombragé…
Tu aimais jouer avec mes sentiments et mes émotions.
J’aimais te laisser jouer avec mon âme et mes sens…
Un double jeu excitant mais dangereux.
Bizarrement, l’odeur de la fondue emplit la cuisine vide et désertée…
Elle se mêlait à la vanille de ton tendre effluve…
Ma tête s’alourdit, je te revoyais ce jour là, ravissante, ensoleillée, radieuse…

Des soirs, je te retrouvai pétillante d’énergie, colorée, miroitante, comme les bulles de cette eau gazeuse qui t’abreuvait après tes petits repas minuscules de ton éternel régime amincissant, tu bouillonnais comme les laves d’un volcan d’amour… La cuisine devenait trop petite pour toi, l’espace de ton cœur envahissait les murs ocres de la pièce et tu l’emplissais avec ton humeur chatoyante et ta saveur exotique… J’adorais te regarder virevolter sur tes petits talons, comme une danseuse étoile qui tournoyait sur une scène d’opéra, tu étais gracieuse.

Que tu es belle !

D’autres soirs, tu étais plate,
Sans âme ni odeur,
Ton visage se renfermait, tu bougeais comme un automate
Sans âme ni chaleur…
Tes portes se renfermaient, je restais dehors, seul…
A te scruter dans ta solitude de femme,
Dans ton monde feutré, silencieux,
Dans ton monde de mélodrames…

Et puis un jour, à côté de mon café corsé, tu m’avais écrit un petit mot sucré, mielleux, pour me dire que tu m’aimais…
Un autre matin, tu avais laissé une lettre salée où tu maudissais ma race et mes racines parce que tu soupçonnais une tromperie inventée, insensée…
Je retrouvais parfois une parole poivrée d’amertume au lendemain d’une nuit de tourments…
Ce matin là, la table était vide, aucune lettre ne traînait sur la surface lisse… Aucune pensée sucrée, salée ou même poivrée ne vagabondait dans l’air lourd qui pesait sur cette pièce stérile, aride, pouilleuse.

De la chambre, je t’entendais parfois t’affairer dans la cuisine, te perdre dans des recettes abracadabrantesques importées d’un ailleurs lointain et aux noms savants impossibles à retenir. Le bruit de la vaisselle devenait de plus en plus sourd, au rythme de tes sermons dans lesquels tu maudissais le créateur de ces recettes inouïes. Mais tu savais parfaitement mettre ta prodigieuse touche personnelle dans ces plats et tu me régalais d’un dîner exquis, à la lumière de tes pupilles qui éclairaient mon monde et ma vie…

Et ce soir, je me retrouve seul, affamé de ton corps qui me manque tant et de ton cœur qui ne bat plus contre le mien…
Ce soir, je me retrouve seul, assoiffé de ta joie de vivre, de tes sauts d’humeur et de tes sourires angéliques…
Ce soir, je me retrouve seul, avec mes souvenirs ternis et ma mémoire fatiguée, je suis fatigué, épuisé à t’attendre, à attendre le bruit de tes pas dans le couloir, à attendre ton souffle qui me transporte, à attendre ta main qui me console, à attendre ton regard qui me réchauffe, à attendre… en vain…
Ce soir, je me retrouve dans cette cuisine, au milieu des plats vides et des ustensiles qui résonnent, qui sonnent faux, qui sonnent creux.
Je cherche une odeur à laquelle je m’accroche, un arôme qui me serve de balise, je cherche une histoire, un rire, une larme, une recette… en vain…

Tout est vide, le congélateur où tu cachais soigneusement tes humeurs glaciales, le micro-ondes où tu réchauffais un sentiment terni par le temps pour me le servir tiède et sans goût, les tiroirs d’où émanait la douceur de tes lèvres de cannelle et de ta peau suave, le four qui brûlait comme ton corps ardent et embrasé… tout est vide…

Je me promène, pieds nus sur le carrelage froid de cette pièce qui fut si chaude et si chaleureuse…
Je promène mon regard nu sur les cloisons froides de cette pièce qui fut si chaude et si chaleureuse…
Je ne sais plus combien de temps j’ai passé dans la cuisine, perdu dans mes souvenirs, égaré, errant dans mes pensées que tu as emportées si loin, avec toi…
La lune a cédé son trône nocturne à un soleil levant, rougeâtre, qui à travers les mêmes stores entrouverts me baignait dans des ondées capucines et dispersait sur le sol dénudé des stries vermeilles…
A côté de la fenêtre, dans le grand vase posé à même le sol, un unique tournesol cherchait dans une courbure éreintée cet éclat de l’astre lumineux qui commençait à peine à pointer ses rayons cramoisis dans le ciel ténébreux.
Je me sens fatigué, las et épuisé comme ce tournesol.
Mais j’envie le tournesol qui s’accroche à son soleil, à son Dieu de lumière, à sa raison de vivre.
Tu es mon soleil, ma déesse, tu as emporté ma lumière et ma foi, tu as emporté ma raison de survie.

Je referme doucement la porte de la cuisine. Le bruit résonne dans le silence comme un lourd portail métallique qui emmure ma mémoire aigrie.
Je retrouve notre lit, en solitaire, avec la même faim qui broie mes entrailles, une faim plus violente, plus douloureuse, la faim de toi, de ton amour de femme, de ton corps de femme…
Mes paupières sont lourdes, je m’endors avec l’espoir de te trouver à mon réveil à mes côtés, ou l’espoir de t’entendre chantonner, comme chaque matin, dans la cuisine…

mardi 26 février 2008

UNE CHOSE BLANCHE


Une chose blanche


Une chose blanche,
Voila mon désir…

Une chose blanche
De chair et de lumière…

Peut-être une pierre,
Peut-être un front,

Peut-être un sourire dévoilé,
Dans les yeux d’un enfant immaculé…

Dans la nuit noire,
Froide et sans Dieu…

Une chose blanche,
Voila mon désir…

Que je veux embrasser,
Que je veux serrer…

Une chose blanche
Contre laquelle je me blottis,

Une chose blanche
A laquelle je m’accroche,

Une chose blanche,
Peut-être un visage,

Peut-être un sein,
Peut-être un ventre arrondi,

Peut-être un main d’homme,
Peut-être le fard d’une femme…


Une chose blanche,
Qui s’élève dans un ciel obscur,

Dans la nuit noire,
Froide et sans Dieu…


Une chose blanche,
Peut-être un bras solide,

Où je me repose,
Voila mon désir…

Une chose blanche
Dans un ciel éteint…

Afin que toute la terre la voit,
Que toute la terre la sente,

Afin que toute la terre oublie
Les années noires…

Que toute la terre enterre
Sa mémoire noircie…

Une chose blanche,
Qui se dresse sur la colline,

Qui abat le mur de la honte,
Et unifie la cité bénie…

Une chose blanche,
Qui se dresse sur le Litani meurtri,

Qui redonne le sourire
A une masse exténuée, dégoûtée, épuisée…


Une chose blanche,
Qui flotte sur le mur des lamentations,

Qui berce les kippas
A la quête d’un silence, d’une prière…

Une chose blanche,
Dans la main tendue

De la statue qui émerge
D’un océan souillé par les décombres des tours…

Une chose blanche,
Sur cette terre de désolation…

Une chose blanche,
Qui relie les deux rives salies…

Qui consume les flammes d’une guerre, du chaos…
Qui rallume le feu de la compassion…

La passion d’un peuple différent qui se soutient,
D’un peuple différent dans la tolérance,

D’un peuple différent dans la foi,
D’un peuple libre et aimant…

Une chose blanche,
Qui s’enroule

Autour d’un monde qui souffre,
Autour d’un monde dans le gouffre…

Une chose blanche,
Qui drape le monde,

Une chose blanche,
Qui enveloppe les sens égarés…

Une chose blanche,
Qui étreint

Les corps nus
Des bambins de guerre,

Une chose blanche,
Ancrée dans tous les cœurs,

Une chose blanche,
Amarrée dans tous les corps…

Une chose blanche,
Qui baignera nos rêves…

Une chose blanche,
Voila mon désir…

Une chose blanche,
Un étendard blanc,
Une bannière blanche,
Un drapeau blanc,
Le drapeau de la paix…

UN ANGE S'EST POSE SUR BAGDAD


Un ange s’est posé sur Bagdad

Il fut un temps, lointain,
Où les califes et les émirs,
Régnaient sur la terre des saints,
La cité des augustes sires…
Il fut un temps, bien lointain…
Un temps enrayé de nos souvenirs,
Où les anges et les chérubins
Veillaient sur Bagdad et son empire…

Il fut un temps, à Bagdad,
Le temps des mille et une nuits,
Le temps d’une Shéhérazade
Parée de ses diamants qui brillent…
Il fut un temps, au bord de l’Euphrate,
Les enfants de toutes les ethnies
S’amusaient sans barricades,
Armés de leurs rires affranchis…

Un ange s’est posé sur Bagdad,
Un ange déchu, malade,
Ses ailes ébarbées saignent
Sur un Sahara de haine…

Les rives d’un Tigre pali
Pleurent une histoire meurtrie,
Où un immonde incube saccade
La mémoire de Bagdad…


Il fut un temps, naguère,
Où les odes et les vers
Emplissaient les âmes et les cœurs
D’un peuple en couleurs…
Un temps où l’amour voguait
Entre les dunes ambrées,
Où la paix s’écoulait dans les mœurs
D’un peuple en couleurs…

Il fut un temps, autrefois,
Où dans Babylone, les princesses et les rois
Des palais et des jardins suspendus
Contaient des fables inouïes…
Un temps, où sur cette glèbe pieuse,
Dans ses temples aux pierres précieuses,
Un peuple en couleurs
Priait en chœur…

Un ange s’est posé sur Bagdad,
Un ange déchu, malade,
Ses ailes ébarbées saignent
Sur un Sahara de haine…

Les rives d’un Tigre pali
Pleurent une histoire meurtrie,
Où un immonde incube saccade
La mémoire de Bagdad…


Il est un temps, aujourd’hui,
Un temps obscurci,
Où les obus et les mitrailles,
Les guerres et les batailles
Déciment un peuple décoloré,
Une masse décousue, violée,
Etouffent la peuplade
Anéantie de Bagdad…


Il est un temps, ce jour,
Où les chants et les troubadours
Laissent la place aux cris et aux larmes,
Aux bombes et aux armes,
D’un peuple décoloré,
Décimé, ruiné, annihilé…
Par des infâmes qui bradent
L’honneur de Bagdad…


Un ange s’est posé sur Bagdad,
Un ange déchu, malade,
Ses ailes ébarbées saignent
Sur un Sahara de haine…

Les rives d’un Tigre pali
Pleurent une histoire meurtrie,
Où un immonde incube saccade
La mémoire de Bagdad…

L’ange s’envole dans le ciel de Bagdad,
Un ciel noirci par la fumée des grenades…
Une plume argentée, de son feuillage, se détache
Et se noie dans un puits qui crache
L’or noir, des entrailles d’un désert
Mutilé, amer,
La raison d’une guerre,
La déraison d’une humanité qui erre…

TU NE RESSEMBLES A PERSONNE...


Tu ne ressembles à personne…
(Poème de Pablo NERUDA, traduit de l’espagnol)


Depuis le premier jour que je t’ai aimée,
Tu ne ressembles à personne…
Je t’étendrai, tel un sari doré, embaumé
Sur un champ de lys et de belladones,
Où ton prénom s’inscrira, en lettres dorées,
Sur la toile miroitante des étoiles du Sud…
Mes pensées s’envolent, au loin, vers une contrée,
Vers un temps incertain, impossible, rude,
Où tu n’existes pas,
Où ta chaire transparente, blême,
Ton souffle, ton aura,
Ne sont que poèmes…


Tu transportes, au creux de tes seins
Des chèvrefeuilles, au son des rossignols,
Qui exaltent ta fragrance, ton parfum…
Le vent triste galope dans sa course folle,
Entre les phalènes brunes,
Sur tes lèvres de prune…


Tant de fois nous avons vu s'embraser, L'étoile du Berger,
Nos prunelles brûlaient
Et nos têtes se distordaient
Au rythme des crépuscules,
Au rythme des flammes qui gesticulent,
En éventails virevoltants,
Devant nos yeux d’enfants,
Aimants,
Amants…

J’ai recouvert ton corps
De mes paroles d’or,
Ton corps de nacre,
Qui te sacre
Reine de mon cœur,
Reine de mon univers,
Ma reine de cœur,
Ma reine, mes repères…

Je te couvrirai de fleurs joyeuses,
De roses d’allégresse…
Je te couvrirai de lilas et de pensées heureuses,
D’œillets en liesses…
Tu seras mon printemps…

TU ES NE SOUS LES BOMBES...


Tu es né sous les bombes…


Des comptines que fredonnaient des voix suaves,
Des chansonnettes au dessus de ton berceau épave,
Des notes ensorceleuses pour tanguer tes douces nuits,
Des airs enjôleurs qui caressent ta fine ouie…

Un obus que fredonnaient des voix graves,
Des missiles au dessus de ta couche épave,
Des projectiles pour hanter tes nuits obscures,
Des roquettes qui écorchent ta peau de novice et te défigurent…


« Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira peut-être,
Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt… »

Dans les bras de ta nourrice aimante,
Sur le sein d’où coule une sève abondante,
Sur ce cœur qui ne bat que pour tes minuscules lèvres de corail,
Sur ce ventre qui t’a abrité amoureusement dans ses entrailles…

Dans une rue glacée, orphelin d’une guerre de déraison,
Assoiffé, affamé, abandonné sur un bitume, sa prison…
Tu ne dormiras jamais contre cette poitrine ni contre ce cœur
D’une mère inconnue, d’une mère partie vers un monde meilleur…


« Au clair de lune, mon ami Pierrot,
Prête moi ta plume, pour écrire un mot… »

Dans une cour d’école, sur les bancs d’une classe en couleurs,
Dans une colonie de vacances au bord d’une mer de splendeur,
Dans une crèche ou un jardin, sous un soleil radieux,
Entouré de tes amis, insoucieux, autour de vos candides jeux…

Dans une ruelle dévastée, sur une pierre tombée de nulle part,
Dans une colonie colonisée, au bord d’un précipice d’horreurs,
Tu erreras parmi les pages déchirées de ton histoire consumée,
Perdu entre des cordes pendues et des tours enfumées…


« Sur le pont d’Avignon, on y danse, on y danse,
Sur le pont d’Avignon, on y danse tous en rond… »

Dans le premier bal, la première danse
Aux bras d’un premier amour qui enivrait tes sens,
Dans ces fêtes de famille où l’amour enrobait les corps,
Dans ces anniversaires où des bougies flamboyaient dans tes yeux d’or…

Tu danseras, pieds nus, sur les débris de ta vie assassinée,
Tu valseras sur cette dernière musette qui te célèbre tel un mort-né,
Egaré parmi les tiens qui ont déserté ton cœur, le soir de ton anniversaire,
Où tu souffleras, seul, la flamme qui calcine ta blême chaire…



« Il était un petit navire,
Qui n’avait jamais navigué… »

Sur la barque de tes rêves fabuleux,
Voguant sur l’océan étincelant de ta vie de chérubin insoucieux,
Les vagues te portent vers d’autres rives, les rives captives
De tes songes ingénus de ton existence naïve…

Sur le radeau chétif de tes tourments nocturnes,
Cabotant sur l’étendue abîmée de tes illusions taciturnes…
L’écume salie emporte ton petit corps vers d’autres rives, où tu dérives,
Les rives d’une fin maladive…


« Petit Papa Noël,
Quand tu descendras du ciel… »

Autour de l’arbre vénéré, au pied des branches illuminées,
Tu découvres tes présents, qui brillent dans tes pupilles émerveillées,
Qui font battre ton cœur où bouillonne l’amour
D’un âtre chaleureux, d’un chocolat chaud, de petits-fours…

Au pied d’un mur glacial, le vent giflait tes joues gelées,
Ton regard terne scrutait une lueur, une chaleur à travers le barbelé
Qui emprisonnait ton cœur d’où l’amour,
Dissipé, envolé, cédait la place à une haine de vautour…
Tu n’entendras jamais ces comptines,
Tu ne fredonneras jamais ces chansonnettes, ces vers qui riment,
Tu ne dormiras jamais au son de ces berceuses,
Tu ne connaîtras jamais ces contes, ces histoires prodigieuses…


Tu entendras des cris et des pleurs,
Tu fredonneras des sanglots de malheur…
Tu te blottiras au fond de ta couche creusée dans ta tombe,
Car tu es né sous les bombes…

THE SHOW MUST GO ON!


The show must go on!

Tunis danse et chante …
Tunis est en fête, sur des airs qui enchantent…
Tunis est en transe,
Tunis sombre dans l’insouciance…
La ville se pare de mille feux,
Des flammes qui embourbent les têtes et les yeux,
Le glas des réjouissances sonne…
Mais the show must go on!

Autour de Tunis, le monde s’écroule,
La terre s’ébranle, les peuples et les foules…
Autour de Tunis, le monde s’embrase,
La terre brûle, les masses s’écrasent…
Mais Tunis danse et chante
Au son des tam-tams qui hantent
Les nuits d’une peuplade qui ronronne…
Car the show must go on!

L’histoire se fait et se défait
Autour d’un brûlant café
Sur une terrasse à Tunis,
Sous un ciel bleu d’artifices…
Les armistices se déclarent autour d’une interminable belotte,
Les guerres se commentent autour d’un narguilé qui ballotte,
«Tout est beau, tout est rose!»: la chanson que les radios fredonnent
Pour que the show goes on!

Les caisses se vident et les coeurs s’emplissent
D’amertume et de supplices…
Les livres s’entassent dans des rayons désertés,
Abandonnés à leur triste sort de mots assassinés…
La musique se travestit en ramage et chahut,
Maquillée sous un faux semblant de patrimoine recousu…
La fanfare engloutit le silence des lèvres cousues, aphones…
The show must go on!

Les bourses flambent et les marchés grondent,
Les prix s’envolent et les foyers se morfondent…
Les amours déchantent
Et Tunis danse et chante
Sur ces amours pédantes,
Sur ces bourses vidées, ces marchés bondés,
Sur ces foyers qui sombrent, sur cette maldonne…
Car the show must go on!

La horde s’endette, se noie dans une mare de dus,
Et la corde se resserre sur des cous pliés, déchus…
Les corps des mâles déchaînés effrénés,
Trépident sur des airs endiablés,
Des pistes inondées de femelles qui déhanchent,
De verres qui trinquent à la santé de cette jungle qui flanche…
Des liqueurs qui empoisonnent
Pour que the show goes on!

Les coupes s’emplissent et les têtes se vident,
Les crocs limés des fauves avides
S’incrustent dans la chaire exsangue d’une foule confondue,
D’une foule trahie, mais soumise, complice, sans vertus,
D’une foule béate, poussant les caddies du déclin,
Culbutant les chariots d’une sur-consommation pour travestir sa faim,
Dans les coffres obscurs, le rouge plafonne…
Mais the show must go on!

Les salles obscures sont délaissées…
Les écrans bleutés envahissent les rêves endeuillés,
La musique d’un orient douteux emplit les têtes écervelées,
Des airs de jérémiades et d’orgasmes simulés
De starlettes dénudées qui hantent ces mâles décomposés,
Qui hantent des corps névrosés
Par leur plastique d’amazones
Pour que the show goes on!

Tunis chante et danse …
Sur les toiles virtuelles de la décadence
D’un net détourné,
Pour un semblant d’amour « copié – collé »,
Tunis danse et chante
Sur son présent qui déchante,
Sur des âmes qui planent, stones,
Pour que the show goes on!

Les serments se conjuguent à l’imparfait,
Le futur se joue sur une table dénudée,
A la lueur d’une bougie timide
Qui éclaire ces vies sordides…
Ils se ruent sur les illuminés aux cartes magiques,
Aux recettes fantasmagoriques,
Et leur vie s’évapore, s’évanouit, dans ce terrible cyclone,
Pour que the show goes on!

Et les jours passent, et l’horloge tourne,
Le tic tac harassant de cette vérité qui enfourne
Leurs maux et leurs douleurs sous une glèbe de poussière,
Et les réduit à un silence mortifère,
La terre se réchauffe et la Banquise fond,
Mais qu’il fait bon vivre à Tunis… Réalité ou illusion ?
Peu importe, puisque la chorale ânonne
« The show must go on! »…

SI TU M'OUBLIAIS...


Si tu m’oubliais…
(Poème de Pablo Neruda, traduit de l’espagnol)

Si tu m’oubliais, un jour,
Je vais te confier un secret,
Pas si furtif que tu ne le crois…
Ce soir là, mes prunelles fixaient la lune qui étincelait comme un cristal en feu,
L’automne vermeil frappait à ma fenêtre, creusait mes rides…
La flamme jaillissait des cendres de mon cœur éteint,
De mon corps froissé, craint…
Je voguais sur les ailes de mes souvenirs, vers toi…
Comme si rien n’existait… sauf toi, ton odeur, ta lumière, ta peau de soie…
Je ramais sur ce petit bateau qui naviguait vers ton île
Interdite, indélébile…


Et maintenant,
Si tu cessais de m’aimer, peu à peu…
Je feindrais de cesser de t’aimer, à mon tour, peu à peu…


Si soudain, tu m’oubliais…
Comment pourrais-je, à mon tour, t’oublier ?
Je ferais semblant de t’oublier, aussitôt…


Le vent de mes pensées
Heurtait, violemment, l’étendard affolé
De ma vie décousue,
De mes rives perdues,
Où les racines écorchées
De mon cœur délaissé
Saignent d’amour pour toi,
Pleurent ton absence et mon désarroi…
Mes bras, aux cieux sourds,
Imploraient une prière, un retour…
Une autre terre, des racines nouvelles
Pour renaître des poussières de cet amour de fiel…


Mais,
Si à chaque aube qui scintillait,
A chaque minute, à chaque rayon qui brillait,
Ton cœur se rallumait,
Eclairait mes pupilles et mon trajet,
Ta brise caressait mes joues en feu,
De ta douceur qui me manque tant…
Si à chaque seconde qui passait,
Une fleur jaillissait de tes lèvres écarlates,
Ses pétales cherchaient ma face décomposée,
Mes lèvres assoiffées, à qui tu manques tant…
Ô mon amour,
Mon astre, mes jours…
En moi, ta flamme illumine
Une mémoire enfouie, une passion en ruines…
Ton soleil réchauffe ma peau fanée,
Mon âme abandonnée,
Et tu sauras, ma bien aimée,
Que je ne t’ai jamais oubliée…

SAUVE MOI...


Sauve moi…


Ton image brûle mes paupières,
Ta souvenance hante mes nuits amères…
Je caresse ton absence,
Je frôle la démence
De t’aimer, de te perdre…
La folie de ne plus être
Dans tes bras,
Contre ton cœur qui bat…

Sauve moi de mon amour,
De ma passion qui dévore mes jours,
De mon désir qui ronge mes nuits,
De mon ardeur qui bâillonne mes cris,
De ma ferveur qui emprisonne ma vie,
De cet amour que tu m’interdis…
Sauve moi de moi-même,
Et dis moi que tu m’aimes…

RIMES DES ABIMES




Rimes des abîmes

Elle était folle,
Elle était mendiante…
Elle portait sa folie comme une auréole,
Elle mendiait sa vie obsolète, de sa main tremblante,
L’aumône pour une maudite pitance,
Une offrande pour abreuver sa peur,
Ses yeux imploraient une charité, une bienfaisance,
Son regard adjurait une obole, une chaleur…


Elle était la folle, la démente du village,
La risée d’une horde,
La raillerie de ceux qui se disaient sages…
Elle portait une corde
Autour de son cou chétif,
Des lianes serraient ses veines,
Telle une condamnée, une bannie qui s’esquive
Dans les sombres ruelles qui abritaient sa peine…


Ses cheveux emmêlés flottaient dans les airs,
Un diadème doré, une nimbe auguste…
Fière, elle transportait sa crinière
Dans cette aberrante jungle frustre,
Entre des voraces qui tanguent
Une haine d’ignorance…
Une frayeur qui l’étrangle,
Un effroi de la différence…

Elle était la folle la plus adulée
Dans ce monde de tourbe…
L’aliénée la plus convoitée,
Dans cette cité de fourbes…
Dans son antre caverneux, perdu dans des venelles ténébreuses,
Les séraphins et les incubes se côtoyaient,
Lui proférant une sainteté mystérieuse,
Une folie qui scintillait…


Les mâles s’entassaient
Dans les couloirs obscurs,
Son murmure exhalait
Autour de leurs pensées impures…
Ils s’empressaient
Autour de leur mécène, de leur messie,
Pour avouer leurs péchés,
Pour se dépouiller de leurs délits…


Les femelles s’encaquaient devant sa porte,
Dans leur cœur, la misère de leur existence,
La crainte d’une trahison les transporte
Vers la folle aux dons de voyance…
Elles s’amassaient autour de leur providence,
De celle qui les sauverait de leurs supplices,
Des mains plaintives se tendaient, en transe,
Vers une main rédemptrice…


Sur la table miteuse,
Elle étalait son jeu de cartes, son jeu de la vie,
De leurs vies piteuses,
De leurs secrets et de leurs interdits…
Elle jouait du bien et du mal,
Elle jouait de Dieu et du diable
Comme un bambin s’amusait avec une balle,
Ou avec un château de sable…


Ils s’accrochaient au Seigneur,
Un besoin de s’agripper au bon, à la vertu…
Ils croyaient au Créateur
Qui les absoudrait de leurs méfaits, de leurs désirs crus…
Des prières baignées dans des pleurs
De châtiment, de haine ou d’inquiétude,
Des larmes de rancune ou de frayeur,
De doute ou de solitude…


Elle jouait de Dieu et du diable,
Et voyait dans leurs prunelles qui luisaient,
Une lueur d’espoir détestable,
Une sérénité factice, un repos fardé…
Satan les acquitterait de leurs fautes,
Et porterait le poids du tabou
Qui hante leurs nuits de fraudes,
Leurs nuits de tracas et de remous…


Elle jouait du bien et du mal,
Le bien qui assemble et unit,
Le bien de la sainte quête du Saint Graal…
Le bien qui donne, pardonne et gratifie
D’une demeure mirifique à l’Eden céleste,
D’un fastueux jardin aux mille et une graines,
D’un harem de gracieuses vierges offertes,
Le cœur éteint d’un corps soumis, obscène…


Elle connaissait, sur le bout des doigts
La vie de tout un chacun, sa face cachée et ses dessous,
Ses affres, ses désirs, ses effrois,
Ses interdits et ses remous…
La folle jouait du jour et de la nuit,
Elle jouait de leur vie et de leurs passions,
De leurs chimères et de leurs délits,
De leur sort et de leur déraison…


Elle traçait sa route,
Tumultueuse, sinueuse, poussiéreuse,
Au milieu de cette tribu en déroute,
Au milieu d’une armée de langues tortueuses…
Elle traçait son chemin,
Péniblement, mais sans repentance ni douleurs,
Elle gravait sur le creux de sa main
Les lignes d’une existence sans couleurs….


Elle était la folle, la démente
Qui procurait la raison…
Elle était la misérable, la mendiante
Qui offrait le trésor des unions…
Elle était la dénigrée, l’oubliée
Qui ravivait les souvenances…
Elle était la soumise, l’insoumise, la révoltée
Qui annulait les divines pénitences…


Elle connaissait tout,
Tout, sauf elle…
Elle s’enfonçait dans le gouffre, dans un trou,
Egarée parmi des sentinelles
De sa foi, des lois déloyales,
Qui la rayaient d’une masse sournoise,
Qui la bannissaient d’une masse immorale…
Elle ignorait sa destinée qui l’écrase…


La flamme d’une bougie qui fondait,
Eclairait ses yeux ternis, éteints,
La cire qui coulait
Brûlait sa chaire blafarde, son corps opalin…
Elle étalait les cartes vieillies,
Ses lèvres tremblaient,
Des prophéties aigries
Jaillissaient tel un vomi empesté…


De sa bouche tarie,
Fusaient des rimes
Qui cadençaient au rythme des vies
Éperdues dans les abîmes…
De sa bouche racornie, giclaient des rimes,
Des versifies abjectes,
Des poétises des abîmes,
Des vers infects…


Elle était la folle qui voguait
Entre les rimes des abîmes,
Des artères de son âme blessée,
Des parcelles de sa philosophie qui triment
Sur les stigmates d’un bitume puant,
Un chemin qui empestait des normes absurdes,
Des interdits aberrants,
Faisant d’elle l’exclue bâtarde…


Les cartes s’entremêlaient,
Les rois et les reines fusaient, confus,
Dans ce marasme de pensées effarées,
Les trèfles et les cœurs perdus
Dans une mare de sentences,
Dans ce corps trahi
Par sa démence,
Par sa folie…


Elle était la raison d’un village en délire,
La lumière d’une patrie dans le noir,
La lumière de ces cœurs maussades noyés dans le satyre
D’une crevasse qui s’enfonce, dérisoire…
Elle était la sagesse et la modération
Dans ce monde où les barbus et les sabres
Sont la raison d’une armée éprise, dévastée, en haillons,
Qui dévastait la conscience d’une horde en marbre…


La folle s’en allait,
Sur les dunes de son cœur désert,
Sur les écumes de son âme immergée,
Vers ses songes et ses fantasmes amers…
Elle était Saba, la reine des destinées,
Isis, la déesse des amours déchues,
Alyssa, la conquérante des ardeurs délaissées,
L’île où échouaient les cœurs perdus…


La folle s’en irait,
Vers un monde meilleur,
Un monde illuminé
Où ses visions ne seraient que bonheur…
La folle s’en irait,
Dans un monde où les Dieux et les diables
Seraient à ses côtés,
Pour assouvir la faim des êtres exécrables…


De sa bouche bénie,
Fusaient des rimes
Qui cadençaient au rythme des vies
Éperdues dans les abîmes…
De sa bouche liturgique, giclaient des rimes,
Des versifies pieuses,
Des poétises des abîmes,
Des odes ensorceleuses…


Elle serait la folle glorifiée,
La démente vénérée.
Elle serait l’amante désirée
Et la femme implorée…
Sa folie attiserait les passions torrides,
Sa démence coulerait des cimes
Pour ensevelir les pensées vides,
De ses rimes des abîmes…

QUAND LA LUMIERE S'ETEINT...


Quand la lumière s’éteint…


Un jour de pluie,
Il m’a promis de retourner,
Près de moi,
Un jour de pluie…
Il m’a juré de revenir,
A côté de mon corps,
Dans mon cœur délaissé,
Un jour de pluie…


Un jour de pluie,
J’ai noyé mes peines
Dans le fleuve de mes sanglots
Qui étranglaient mes cris,
Ma rage et ma liberté,
Un jour de pluie,
Je me suis noyé
Dans le marasme de tes mensonges…


Sur la terre, le soleil s’est éclipsé
Derrière l’ombre d’un cœur éteint,
L’ombre d’un corps oublié,
D’une chair ignorée,
D’une pensée tue, massacrée,
L’ombre d’une parole qui fait mal,
L’ombre d’un verbe qui tranche,
L’ombre d’une main assassine…


Quand la lumière s’éteint
Sur des âmes en détresse,
Quand la lumière s’éteint
Sur une masse qui s’abaisse…
Quand la lumière s’éteint
Dans des cœurs condamnés,
Dans des yeux éteints,
Sur des lèvres muselées…


Dans ma crèche de bambin,
Le manège tournoyait
Au dessus de mon regard égaré,
Au dessus de mes prunelles ternes…
La musique résonnait,
En fragments, dans ma tête étourdie
Par cette lueur qui virevoltait
De mille couleurs…


Mes paupières s’alourdirent,
Il pleuvait…
Les gouttes heurtaient les vitres,
Et le sommeil heurtait mes pensées
Obscurcies, assombries,
Par une mémoire enrayée,
Une mémoire grimée,
Une mémoire amnésique…


En ce jour de pluie,
Ma couche devint mon abri,
Mon asile et mon refuge,
Pour oublier des souvenirs fabriqués,
Une vie feinte,
Pour fuir mes songes hantés par ton visage,
Pour fuir loin de ta patrie,
De ton gîte où tu m’enterres…


Quand la lumière s’éteint
Sur des âmes en détresse,
Quand la lumière s’éteint
Sur une masse qui s’abaisse…
Quand la lumière s’éteint
Dans des cœurs condamnés,
Dans des yeux éteints,
Sur des lèvres muselées…

Dans mes rêves d’enfant,
Dans mes rêves éclairés,
Je touchais ton souffle,
Je caressais ton ombre,
J’embrassais ta souvenance étincelante,
Dans mes rêves d’enfant…
Dans ma solitude,
J’effleurais ton absence…


Tes mots sanglants,
Tes mots funestes,
Tailladent ma langue,
Embourbent mes pensées,
Enlisent ma raison,
Cernent ma rage
Et endiablent mon image
Aux yeux des sages…


Tes maux fatals,
Tes maux saumâtres,
Entachent ma lumière,
Souillent mon itinéraire…
Et je me retrouve dans le noir,
Le noir des idées futiles,
Le noir d’une vie incrédule,
Le noir de ton effluve qui pue…


Quand la lumière s’éteint
Sur des âmes en détresse,
Quand la lumière s’éteint
Sur une masse qui s’abaisse…
Quand la lumière s’éteint
Dans des cœurs condamnés,
Dans des yeux éteints,
Sur des lèvres muselées…



Et je me retrouve dans le noir
De mes idylles absurdes,
De mes chimères balourdes,
De mes illusions sourdes…
Et je m’envole haut, bien haut,
Avec mes ailes de succube,
Mes ailes de Judas l’incube
Vers les flammes du Géhenne…


Je m’envole sur le serpent des limbes de mes péchés,
Je m’envole sur les écailles des sépales de mes délits…
Je m’écrase sur les pétales asséchés
De mes fautes de profane,
De mes erreurs d’impie…
Je m’écrase dans le bourbier fétide
De tes mains de maître,
De tes mains de traître…


Et la lumière s’éteint…
Les flammes de ton paradis factice
Recèlent ton avarie de pouvoir,
Ta faim fauve de vouloir
Tout avoir, tout être, tout détenir…
La lumière s’éteint,
Ta lumière s’éteint,
Ma lumière s’allume…


Quand la lumière s’éteint
Sur des âmes en détresse,
Quand la lumière s’éteint
Sur une masse qui s’abaisse…
Quand la lumière s’éteint
Dans des cœurs condamnés,
Dans des yeux éteints,
Sur des lèvres muselées…


Ma lumière s’allume
Sur tes crimes éteints,
Sur tes vices sournois,
Sur tes bévues cachées,
Sur ton barbarisme haï
Et ton laxisme feint, ta bonté de pantin…
Ma lumière s’allume
Sur tes mains entachées…


Ma lumière s’allume
Sur tes mains salies,
Sur ta face contaminée,
Sur tes lèvres épineuses,
Sur tes canines tueuses…
Ma vérité allume
Tes menteries voilées
Par ta charité risible…


Ta monnaie ne paiera plus,
Ta lumière ne s’allumera plus,
Tes paroles se tairont à jamais,
Tes mains se morcelleront,
Ton âme vidée se froissera,
Ton cœur asséché se terrera,
Et en lâche tu te blottiras
Quand notre lumière s’allumera !

PRAGMATIQUE


Pragmatique

La tactique humaine,
La stratégie sociale,
Veulent que les règles de scène,
Les normes raciales,
S’appliquent à toute heure délétère,
A toute seconde,
De notre vie austère,
Sur ce monde…


La logique pragmatique
De notre existence académique
Réglée par une horloge de polémiques
Où se mêlent les lâches et les épiques,
Les braves et les caustiques,
Les originaux et leurs génériques…
Cette logique est la règle canonique
De notre carillon ironique…
La cloche sonne,
Fatidique rappel à l’ordre, qui résonne,
Dans nos oreilles sourdes
Qui écoutent sans écouter, les misères balourdes,
Devant nos yeux aveugles
Qui scrutent sans voir, ces voix qui beuglent,
Sur nos lèvres muettes
Qui murmurent, dans le silence, des oraisons fluettes…


Et moi ?
Perdu dans cet univers de désarroi,
Dans ce cosmos qui foudroie
Des âmes qui broient
Le noir de leur vie sans joies,
Et qui portent le poids
D’une conscience dans l’effroi,
Condamnée à un mutisme sans foi…
Et toi ? Traces d’un prologue
D’une aube qui pointille, odeur de drogue
Qui empoisonne ton esprit de démagogue,
Ta vie en catalogue,
Tu te perds dans un monologue,
Où la déraison est ton allié en vogue,
Tu t’abîmes dans ce dialogue
Devant ta glace qui se brise, sombre épilogue…


Faut il se plier, se courber, se rabattre ?
Faut il se blottir dans cet âtre ?
Déjouer les sabres acariâtres,
Ou jouer son sinistre rôle au théâtre ?
Fait il être un soumis, un châtre,
Pour fuir les enjeux macabres
Des lois opiniâtres
Qui dictent nos gestes désabusés de bellâtres…
Et si le soleil se levait à l’ouest ?
Et si la lune brillait à midi, reine céleste ?
Et si les rois suaient sous leur veste
Des veuleries et des incestes
Qui infestent
Leur règne de peste,
Sur une peuplade qui empeste
La mesquine quiétude d’une éternelle sieste…

Je te vois dans mes rêves,
Je te caresse, je te touche, je soulève
La mèche qui tombe sur tes pupilles d’Eve,
Je hume ton enivrante sève,
Dans mes rêves
Qui m’endeuillent et qui enlèvent
L’espoir d’une trêve
Dans cette éternelle nuit de ma vie brève…
J’effleure ta peau satinée dans mes songes,
Dans cet abîme obscur qui s’allonge…
Dans les abysses de l’imposé, je plonge
Pour libérer ma chaire fétide des longes
De la honte qui la ronge,
Je traverse les espaces et les forlonges
Pour fuir leur sordides mensonges
Dans ce néant qui se prolonge…


Dans mes chimères démentes, mes insensés leurres,
Je m’égare dans ces mirages enjôleurs,
Hauts en couleurs,
J’erre dans mes sadiques erreurs,
Mes insipides fureurs,
Tel un insomniaque flâneur,
Un somnambule prêcheur,
Pour crier mon ultime douleur.
Corde au cou,
Lame tranchante qui fend ma hargne de fou,
Mains stigmatisées sur leur croix de clous,
Je brise leurs verrous,
Je hurle ma névrose, ma démence, à genoux…
Je rugis mon envie aliénée, mon désir soûl…
Je casse leurs chaînes de pragmatiques,
Leurs attaches de servitude de coutumes chaotiques…


Je te porterai dans mon cœur comme un diadème,
Je braverai leurs thèmes ridicules et leurs risibles théorèmes,
J’arroserai mes champs de ton sang, vénérable blasphème,
Auguste baptême,
Tu seras ma pitance dans mes kabbalistiques carêmes,
Tu seras mon rituel défendu, mon apostème…
Au dessus de la stèle embaumant mon corps blême,
Mon ultime prière sera pour toi : Je t’aime…

LETTRE A DIEU


Lettre à Dieu

Mon cher Dieu,

J’ai attendu cette belle soirée de Noël pour remettre ma lettre au Père Noël, le meilleur facteur du monde !
Lors de son voyage de retour au paradis, il te la remettra et tu la liras…
Ce soir, j’ai décoré toute seule mon petit sapin, mon papa m’a regardé poser les boules lumineuses sur les branches de cet arbre magique, je savais qu’il me surveillait derrière son journal qu’il tenait à l’envers !

Il a préparé le dîner, la table était bien mise, deux couverts, autour d’une dinde géante et d’une bûche au chocolat que j’ai déjà goûtée, en cachette (il ne faut pas le lui dire !). C’est notre petit secret…

Au pied de la cheminée, papa a entassé des boîtes énormes qu’il a soigneusement recouvertes d’un papier cadeau brillant, mais je devinais la maison géante de ma poupée préférée sous le premier, la série de ma bande dessinée adorée sous le deuxième, le troisième par contre était le mystère de la soirée !
Moi, j’ai cassé mon petit cochon en argile et j’ai acheté un très joli cadeau à mon papa tant aimé, il paraissait tout petit à côté de mes présents, mais moi, je ne suis qu’une écolière et papa est un grand architecte, quand je serai grande, je lui offrirai tous les cadeaux du monde !


Quel étrange Noël sans maman, elle me manque mon cher Dieu, mais toi, tu as plus de chance que moi, elle est avec toi et je sais qu’elle lira cette lettre avec toi, alors dis lui que je l’aime très fort et qu’elle me manque beaucoup…
Dis lui que même papa n’a pas réussi à faire une dinde aussi bonne que celle qu’elle nous avait préparée l’année dernière, elle était même un peu brûlée, mais je ne lui ai rien dit, il a passé toute la journée dans la cuisine, l’oignon lui faisait mal aux yeux, il n’arrêtait pas de pleurer en préparant le dîner et en écoutant leur chanson favorite « Pour ne pas vivre seul… » !
Mon cher Dieu, j’espère qu’au paradis, tu as un lecteur CD pour que maman puisse écouter de la musique et les informations, il se passe tellement de choses bizarres dans notre monde…

Mon cher Dieu, est-il vrai que tu as plus besoin de ma mère plus que moi ?
Il est vrai que je suis une grande fille à présent, mais ma petite maman me manque beaucoup !

Maman chérie, le soir, mon pauvre papa tente de me raconter une histoire pour m’endormir, parfois, c’est lui qui s’endort, parfois, je ferme mes yeux pour entendre ta belle petite voix me chanter notre comptine secrète… et là, je m’endors…
Mon cher Dieu, sauras-tu prendre soin de ma petite maman ? Elle est si douce et si sensible que le bruit des tonnerres ou des avions qui traversent le ciel pourrait l’effrayer.


Papa m’avait dit que maman serait plus utile à tes côtés, qu’il y avait plein d’enfants malades et qu’elle devait s’occuper d’eux, mais moi aussi je suis très malade, mon nez coule, j’ai une grosse boule sur la tête et mes oreilles me font très mal, tu pourras me la renvoyer juste pour qu’elle me soigne ?

Le dîner était super bon et mon père était enfin content, il souriait mais ce maudit oignon lui faisait toujours mal, il n’arrêtait pas de pleurer, doucement…
J’ai commencé à ouvrir mes cadeaux, j’avais deviné juste pour la maison magique (sauf qu’elle était plus grande, maman si tu voyais la chambre à coucher rose comme elle est belle) et la série de bande dessinée. Quand j’allais ouvrir le troisième paquet, papa m’a prise dans ses bras et m’a serrée très fort. Dans la boîte, il y avait une immense photo très joliment encadrée de nous trois.
Papa m’a serrée encore plus fort, il a failli casser le tableau et bizarrement, l’oignon le brûlait encore plus.
J’ai accroché notre photo au dessus de mon lit et j’ai déposé un bisou sur ta joue avant de dormir. Tu me manques beaucoup, maman.

Maman chérie, je suis très malade, et papa ne se débrouille pas si bien dans la cuisine, il devrait ne plus utiliser d’oignon, alors reviens vite, le bon Dieu trouvera bien une autre maman pour s’occuper des enfants malades.

Ou peut être que tu es fâchée contre moi ? Pour la tâche de chocolat sur le canapé blanc du salon ou pour la belle assiette de porcelaine que j’ai cassée ! Je te jure maman que la tâche est partie et que papa a acheté un autre service de cuisine plus beau que l’ancien, pardonne moi maman chérie pour toutes mes bêtises, je te promets que je serai gentille et très sage, que je ferai mon lit comme une grande et que je me brosserai les dents trois fois par jour !
Mais reviens s’il te plaît et punis-moi si tu veux, prive-moi des sorties du dimanche, du fondu au chocolat du goûter et de ma série télévisée, mais reviens, tu me manques beaucoup.

Je vais mettre cette lettre à côté du sapin pour que le père Noël vienne la chercher ce soir et te la remettre, mon cher Dieu. Dis à tes anges de prendre soin de maman et de ne pas être jaloux d’elle, c’est le plus bel ange du monde.
Je t’aime maman chérie.

PS : Mon cher Dieu, si tu pouvais fabriquer des oignons qui ne brûlent pas les yeux, ça sera super sympa, merci.

LES YEUX


Les yeux

Des yeux grands ouverts,
Des yeux entrouverts…
Des yeux barbares,
Des yeux hagards…
Des yeux menteurs,
Des yeux trompeurs…
Des yeux espions,
Des yeux félons…
Des yeux traîtres
Te guettent.


Les yeux épient
Tes jours et tes nuits.
Ils surveillent
Ta lune et ton soleil.
Les yeux écoutent
Tes peurs et tes doutes.
Les yeux étranglent
Tes cris et la révolte qui t’ébranle.
Les yeux bâillonnent
Ton cœur qui bouillonne.


Les yeux traquent
Tes gestes, tes dires et tes tracts.
Les yeux fouillent
Dans tes secrets et les dépouillent.
Les yeux creusent
Des sentiers dans ta foi pieuse.
Les yeux contrôlent
Tes dires et tes écrits qui auréolent
Tes yeux aveuglés
Par les yeux meurtriers.


Les yeux assassinent
Ta liberté qui fulmine.
Les yeux maquillent
Tes droits et tes acquis.
Les yeux fardent
Ta vérité et tes songes de barde.
Les yeux déguisent
Ton histoire, tes ancêtres et ton âme grise.
Les yeux voilent
Tes yeux et tes râles.


Des yeux dévêtus,
Des yeux civils, des yeux en tenues…
Un trait de rimmel
Sur des yeux de fiel.
Du mascara noir
Sur une paupière qui braille une fausse gloire…
Du kohol obscur
Sur des cils impurs.
Des yeux incultes
Qui te dénudent de ton savoir et de tes cultes.


Des yeux de hyène,
Qui écorchent ta chair et ravivent ta haine.
Des yeux voleurs
Qui te ravissent ton bonheur.
Des yeux violeurs
Qui emportent ton honneur.
Des yeux d’Hannibal,
Des yeux de cannibales,
De pouvoir avides,
Sur des corps arides…


Des yeux en chaleur
Qui crachent sur ta douleur.
Des yeux collés à des orbites vieillies,
Des yeux affaissés sur des fauteuils flétris
Par des années d’une mutinerie, tue, décimée…
Des yeux agrippés à des fauteuils dorés,
Endormis sur des lauriers fanés, qui puent,
Qui empestent le déclin des tyrans imbus.
Des yeux traîtres
Qui te guettent…


Derrière ton écran bleuté en veille,
Les yeux veillent sur ton sommeil.
Entre les lignes d’un journal
Que tes yeux survolent sans mal,
Les yeux jettent l’encre vermeille
De leurs pensées fauves,
Entre les rimes d’une chansonnette populaire,
Les yeux sonnent le glas de la cloche du calvaire,
Qui rappelle à un désordre
Qui se dit ordre !
Qui rappelle à une confusion
Qui se dit fusion !


Les yeux se fondent dans la foule
Pour brouiller les ondes d’une masse qui s’écroule.
Les yeux pleurent des larmes factices
Pour amadouer des cœurs en silice,
Des cœurs qui endurent les mensonges des yeux,
La violence des yeux,
La mascarade des yeux,
Qui endurent… mais qui restent durs et fiers face à ces yeux
Menteurs, violents, travestis, infâmes,
Des yeux qui suffoquent dans un taudis en flammes.


Des yeux sales,
Des yeux pourris, des yeux de mal,
Des yeux corrompus,
Des yeux affamés, des yeux de rue,
Guettent tes yeux,
Tes yeux de femme, tes yeux d’homme, tes yeux en feu…
Tes yeux où les mots se noient
Dans des perles de rancune et d’émoi.
Tes yeux de rébellion,
Tes yeux en ébullition.


Les yeux bandent tes yeux en sang,
Calcinent tes paupières, consument tes souvenirs d’enfant.
Les yeux embrasent ta vue,
Incinèrent ta peau enragée qui sue
Une hargne, une lutte et qui gesticule
Pour arracher ce bandeau lilas qui brûle
Sous la furie des foudres de ton corps abandonné,
De ta dépouille en cendres mal aimée,
De ton corps qui bataille,
Pour ôter de tes yeux la grisaille.


Tes yeux entrouverts,
Tes yeux grands ouverts,
Pour découvrir ce nouveau monde,
Pour humer cette liberté arrachée, tes droits qui grondent.
Tes yeux d’où fuse
L’amour d’une vie tant convoitée qui s’use…
Tes yeux hurlent une envie de vie dérobée,
Une envie de vie désirée,
Une envie de vie en lumière,
Un brasillement, une aurore, un éclair…

LENINGRAD


Leningrad



Sur les rives de la Neva,
Sous un soleil terni,
Elle se dresse, déesse, diva…
Leningrad s’empare de la vie…

Des aquarelles et des fresques sans âge
Murmurent sur les esplanades
De l’Ermitage,
L’histoire de Leningrad…



Elle se parfume,
Fragrance de Tsar,
Pour le conquérir, elle hume
Sa senteur, ses mémoires…
Sur les pavés déserts
De la vieille cité glaciale,
Ses pensées errent vers le Monastère
Où les pierres et les dalles,
Les vitres et les façades,
Racontent l’histoire de Leningrad…


Sa cape glisse, sur sa chevelure blonde,
Sur ses tresses,
Au son du clocher qui gronde,
De la Forteresse,
Où son cœur enfermé
Dans le bastion de l’Empire,
Pleure le siège et les affamés
Sur la ligne de mire,
Au bord de l’Amour,
Qui gèlera neuf cent jours…


Sur les rives de la Neva,
Sous un soleil terni,
Elle se dresse, déesse, diva…
Leningrad s’empare de la vie…

Des aquarelles et des fresques sans âge
Murmurent sur les esplanades
De l’Ermitage,
L’histoire de Leningrad…



Ses pas oscillent,
Sur le plancher qui craque,
Elle vacille,
Au pied de la Cathédrale Saint Isaac…
Elle tombe,
Sur le sol sacré,
Sur la tombe…
Elle creuse, de ses doigts ensanglantés,
La terre qui recouvre des myriades
Des souvenances de Leningrad…

Sur les rives de la Neva,
Sous un soleil terni,
Elle se dresse, déesse, diva…
Leningrad s’empare de la vie…

Des aquarelles et des fresques sans âge
Murmurent sur les esplanades
De l’Ermitage,
L’histoire de Leningrad…


Le vent souffle fort,
Polaire,
Sur ses joues, sur son sort…
Amère,
Elle s’éloigne de la stèle,
Sous un soleil fade,
Qui enterrera à jamais, dans l’oubli, dans la grêle,
L’histoire de Leningrad…

LE JEU DE "LOI"


Le jeu de “loi”



Une loi,
Et des droits
Naissent…
Une loi,
Et des droits
Disparaissent…


Noir sur blanc,
Un accusé sur le banc,
Qui juge?
Où est le refuge?
Qui a le cran
De juger du noir?
Dans les lugubres couloirs,
Des lois
Sans foi…


Appelé à la barre,
Il s’accroche, fragile amarre…
Corde au cou
Au bout d’un détroit,
Etroit,
Flou…


Les dés sont jetés,
Les jeux sont faits,
Les chevaux s’avancent
Vers le centre d’un monde en souffrance,
Qui est gagnant?
Qui est perdant?
Au jeu de “loi”
D’un monde sans lois?





Il gravit les marches,
Hésitante démarche…
Il a peur, il tremble…
Et tout lui semble
Trouble, confus…
Les robes obscures remuent,
Gesticulent,
Crédules…


Le cheval rouge galope,
Le dé bute et stoppe,
Le six est sorti,
Son destin est saisi…
La seconde de la sentence,
Et le silence
Se fait insupportable:
Coupable!


Les dés sont jetés,
Les jeux sont faits,
Les chevaux s’avancent
Vers le centre d’un monde en souffrance,
Qui est gagnant?
Qui est perdant?
Au jeu de “loi”
D’un monde sans lois?


Il recule, s’arrête,
Sa vie en miettes
S’écrase à ses pieds…
A genoux, sur le parquet mouillé,
Il la ramasse, sans bruit…
Son visage en morceaux
Sourit. Etrange sanglot…





Une loi,
Et des droits
Naissent…
Une loi,
Et des droits
Disparaissent…


Les dés sont jetés,
Les jeux sont faits,
Les chevaux s’avancent
Vers le centre d’un monde en souffrance,
Qui est gagnant?
Qui est perdant?
Au jeu de “loi”
D’un monde sans lois?


Une loi,
Et des droits
Disparaissent
A jamais…
D’autres lois
Renaissent…
De quel droit?
Silence…

L'APPARENCE


L’apparence…



L’apparence,
Est une danse,
Où le masque est élégance,
Où l’apparat est jouissance…

L’apparence,
Est une chance
Pour une langue de médisance,
Pour un corps en défaillance…



Il faut être beau,
Il faut être gracieux,
S’afficher dans les bistrots
Et allumer les étincelles…
Marquer sa présence
Dans les discothèques
De la ville en décadence,
Dans la cité des étés burlesques !

Il faut être « in »,
Il faut être à la page,
Se détourner de ses racines
Et porter sa plus gracieuse image…
Sortir sa liasse
D’un argent détourné, volé, emprunté,
Et s’acheter les charmes sans classe
D’un cercle d’amis trompeurs envieux, décervelés…



L’apparence
Est une tendance
Dans les milieux en déchéance
Où leur devise est luxuriance…

L’apparence
Est la croyance
D’une imaginaire bienveillance,
D’une vie travestie de nuances…



Il faut être sur son trente et un,
Toujours à la mode,
L’habit fait désormais le moine, brillant écrin…
Le style de l’exode
Importé d’un ailleurs lointain,
D’un ailleurs douteux, plagié,
Un style pour s’exhiber dans les cocktails mondains…
Une mode pour travestir une vérité erronée…

Il faut être tiré à quatre épingles,
Tiré par un lifting de pingre,
Se maquiller, se barbouiller de poudres et de fards,
Dissimuler ses vices derrière un factice étendard…
Il faut rouler dans son X Five,
Comme si la vie était un jeu télé en «live»,
Où les regards te dévisagent à travers l’écran cathodique,
Où les langues se délient sur ton existence chaotique…




L’apparence
Est une mouvance
Où les idylles de romance
Se confondent avec arrogance…

L’apparence
Est une balance
Entre luisance, réjouissance
Et une navrante déchéance…



Il faut croire en une majorité factice qui dit oui,
Et suivre cette foule vers un précipice rayonnant de délits,
Obéir à une minorité qui gronde sous des discours grimés,
Concéder ses acquis et son histoire à un présent opprimé…
Se repoudrer, dissimuler ses ridules,
Sous une poussière de ridicules…
Se repoudrer, marquer d’un rouge un sourire siliconé, immuable,
Et d’un rimmel un regard botoxé, implacable…

Il faut être les autres et s’oublier soi même,
Il faut être pareil aux autres, se fondre dans ce harem
D’hommes qui se ressemblent et se dissemblent,
D’hommes qui se haïssent sur une terre qui tremble…
Il faut naître dans cette horde,
Il faut grandir sous les ordres,
Il faut vieillir dans l’indifférence
Et mourir avec une impeccable apparence !!


L’apparence,
Accoutumance,
Maladie sans ordonnance,
A soigner en toute urgence !

L’apparence
Une errance,
Une plaie à la naissance
Ou un fléau en croissance ?

LA PROMENADE DES VERS ENCHANTES


La promenade des vers enchantés



Sur la rose des champs,
Sur ses pétales dorées, au soleil levant,
Le papillon s’était posé délicatement…
Ses ailes, dans un flottement incessant,
Le faisaient virevolter autour du cœur
De la rose qui s’ouvrait à la lueur
Du jour naissant,
Du rayon tiédissant…


En ce matin d’automne,
Sous cette voûte qui ronronne,
L’œuf avait bougé, sur un tapis mirobolant,
La coque craquelait, ses contours étincelants
Fendillaient, se fissuraient,
Son étau se lézardait
Sous le poids d’une naissance,
Sous le poids de la délivrance…


La larve sortit de sa carcasse,
Elle émergea de cette prison, de cette cuirasse,
L’astre brûlant réchauffait sa chair frêle,
Le ver élagua son enveloppe charnelle,
Se débarrassa de la glue qui empestait
Et se couvrit de la rosée parfumée…
La chrysalide vadrouillait sur le fil de soie,
Tel un lombric sur son trône de roi…





Le papillon battait des ailes,
Enterrait sa charpente sous l’écarlate stèle
De coquelicots qui rougissaient d’ardeur
Pour ce ver mu, pour cette phalène de bonheur…
Le papillon emportait sur ces ailes gracieuses,
Les vers d’une ode ensorceleuse…
Sur les feuillées vermeilles, sur cette gondole,
Les vers se promenaient dans une féerique farandole…


La promenade des vers enchantés
Entamait sa ronde endiablée
Sur les épines parfumées
D’une triste journée…


La balade se poursuivait
Sur les feuilles fanées
Des chrysanthèmes en délire,
Une flânerie démente pour vagir, rire…


Sous cette brise envoûtante,
Les vers grisés se mouvaient en volute tournoyante,
Ils emportaient des rimes cruelles,
Ils s’enivraient de cette virulente ritournelle…


Un air doux et tiède soufflait
Sur le ver qui virevoltait
Sur les airs enchantés de cette cantate inouïe
Qui le plongeaient dans une insolite amnésie…



Et le ver continua son escapade,
Son épopée enchantée, sa radieuse promenade…
Le ver portait sur ses ailes naissantes
Les mots d’une nuit interdite, d’une passion tremblante…
Le livre se renferma, doucement,
Sur l’ultime battement,
Sur la dernière danse,
Des rimes d’une poésie en transe…

L'ARBRE DES SEPHIROTH


L’arbre des Sephiroth



Le fil rouge est tendu,
Et les cous sont pendus…
L’appel suprême,
Une invite, un dilemme,
Aux rites sanctifiés,
Aux normes dictées,
Aux règles infligées,
Aux préceptes ordonnées…


Le fil rouge se tend
Sur des poignets en blanc,
L’arbre se dresse,
Droit dans l’Eden de cœurs en liesse…
Les branches, balayées par un alizé céleste,
Par une brise qui moleste
L’humain et ses craintes,
L’humain et ses complaintes…


Le fil rouge se noue fermement
Autour du tronc robuste aux senteurs d’encens,
Il dévoile les mystères
De l’univers
Et creuse les sentiers et les parcours
Dans ce monde de troubadours,
Dans ce monde de déroute,
A la frontière du doute…











La Couronne s’élève, de son écrin, vers le divin,
L’amour emplit les âmes et les seins…
Le nectar de la vie coule,
Et la sève ravive la foule,
Les mains se touchent, se caressent,
Les têtes s’abaissent,
Pour une prière au Créateur,
Au pouvoir de l’auréole du lotus aux mille fleurs…


La Sagesse répand
L’essor originel, l’élan…
Une déferlante de foi
Un flux de fusion, la voie…
La voix Divine trace le chemin
Du Saint Père, aux humains
Et élève autour de leurs esprits
La pierre sacrée, la tour bénie…


La mère féconde, la mère lumineuse,
La mère qui donne, la mère laiteuse…
La Compréhension et la déraison,
La naissance et la destruction…
Elle dessine sur le sable aride
Les prémisses de la finitude.
Dans son calice, les langues s’abreuvent,
Les corps assoiffés se noient dans son fleuve…











Et la lumière vint…
Le fil rouge se détache des chérubins
Et répand la Miséricorde
Sur la horde
Affamée d’amour et de cohésion…
Avide d’égalité et de compassion…
Les fils rouges se tordent et fusent
Sur cette terre confuse…


Et la foudre surgit
D’un ciel enragé, comme dans un cri…
Le chaos sème la peur et le mal,
La crainte du jugement final…
La Sévérité se mut en bouclier,
La lance du vaillant guerrier
Qui s’élance sur les flammes du layon
Qui le guidera au cœur de sa dulcinée, l’ultime passion…


La Beauté qui ruisselle
Sur les écumes de sa chair de miel…
Il dépose une rose écarlate
Sur la croix du calvaire qui orne ses nattes…
L’effluve de sa chevelure dorée
Envahit les airs, s’empare de ses sens égarés,
Et étanche la soif de l’enfant
Qui sommeille dans l’antre de ses désirs ardents…








La rose sanguine s’épanouit
Sur les contours de l’enveloppe nue…
Il promène sa Victoire sur le charnel interdit,
Le corps se raidit…
La vie jaillit, dans un éclat de splendeur,
Dans un flux d’ensorcelantes senteurs…
Une vie en apothéose,
Une vie de roses…


Et les mots giclent, des bouches stériles,
Le ciel se garnit de cris versatiles,
La sphère de Hod s’ouvre, illustre,
Pour accueillir les secrets qui frustrent,
Les lamentations qui lèsent,
Les sanglots qui dévorent les âmes sur la braise…
Les prunelles narrent l’étincelante mémoire
Qui fera leur Gloire…


Les formes se sculptent, cisèlent la tendre matière,
Le fleuve de la vie grave sur la pierre
La toison du mâle nu, les tentacules de son corps,
Au clair d’une lune amarante, aux reflets d’or…
Le Fondement d’un univers en fusion
Entre las canaux des essences en union…
L’énergie crépite tel un flambeau qui éclaire
Le cœur désert du mâle qui erre…






Les corps s’amarrent au seuil de la mort qui règne,
Au seuil des larmes, des Jardins d’Eden,
La madone ligote le fil cramoisi
Sur le trône de Malkuth, le trône accompli…
Le Royaume maîtrise la myriade
Des influences et des aubades
Qui sacrent la femelle
Endormie sur l’autel…


Les kippas et les tchadors
Se confondent sur le sentier de la mort,
Le djihad et la Torah
Se mélangent entre les lignes de leur fragile foi…
Les croix croisent les étoiles,
Les croissants entrelacent la cabbale,
Dans un univers qui déambule
Vers un chaos incrédule…


Les minarets en tours de contrôle,
Epient les obus d’une maison noire qui enrôle
Des candides dans une armée satanique,
Pour enrayer le mal qui ronge leur pouvoir machiavélique,
La lumière s’éteint dans les synagogues maussades,
La terre se décompose, des corps en débandade
Délogent les jardins promis,
Pour un enfer banni…







La différence les dérange,
La différence les démange…
Un besoin détraqué, insolent
De combattre le différent,
De se désunir, de défaire
La différence de leurs pairs…
Le fil rouge se dénoue et s’élance
Pour unir les différences…


Le fil rouge est tendu,
Et les cous sont pendus…
L’appel suprême,
Une invite, un dilemme,
Aux rites sanctifiés,
Aux normes dictées,
Aux règles infligées,
Aux préceptes ordonnées…