Tu es né sous les bombes…
Des comptines que fredonnaient des voix suaves,
Des chansonnettes au dessus de ton berceau épave,
Des notes ensorceleuses pour tanguer tes douces nuits,
Des airs enjôleurs qui caressent ta fine ouie…
Un obus que fredonnaient des voix graves,
Des missiles au dessus de ta couche épave,
Des projectiles pour hanter tes nuits obscures,
Des roquettes qui écorchent ta peau de novice et te défigurent…
« Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira peut-être,
Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt… »
Dans les bras de ta nourrice aimante,
Sur le sein d’où coule une sève abondante,
Sur ce cœur qui ne bat que pour tes minuscules lèvres de corail,
Sur ce ventre qui t’a abrité amoureusement dans ses entrailles…
Dans une rue glacée, orphelin d’une guerre de déraison,
Assoiffé, affamé, abandonné sur un bitume, sa prison…
Tu ne dormiras jamais contre cette poitrine ni contre ce cœur
D’une mère inconnue, d’une mère partie vers un monde meilleur…
« Au clair de lune, mon ami Pierrot,
Prête moi ta plume, pour écrire un mot… »
Dans une cour d’école, sur les bancs d’une classe en couleurs,
Dans une colonie de vacances au bord d’une mer de splendeur,
Dans une crèche ou un jardin, sous un soleil radieux,
Entouré de tes amis, insoucieux, autour de vos candides jeux…
Dans une ruelle dévastée, sur une pierre tombée de nulle part,
Dans une colonie colonisée, au bord d’un précipice d’horreurs,
Tu erreras parmi les pages déchirées de ton histoire consumée,
Perdu entre des cordes pendues et des tours enfumées…
« Sur le pont d’Avignon, on y danse, on y danse,
Sur le pont d’Avignon, on y danse tous en rond… »
Dans le premier bal, la première danse
Aux bras d’un premier amour qui enivrait tes sens,
Dans ces fêtes de famille où l’amour enrobait les corps,
Dans ces anniversaires où des bougies flamboyaient dans tes yeux d’or…
Tu danseras, pieds nus, sur les débris de ta vie assassinée,
Tu valseras sur cette dernière musette qui te célèbre tel un mort-né,
Egaré parmi les tiens qui ont déserté ton cœur, le soir de ton anniversaire,
Où tu souffleras, seul, la flamme qui calcine ta blême chaire…
« Il était un petit navire,
Qui n’avait jamais navigué… »
Sur la barque de tes rêves fabuleux,
Voguant sur l’océan étincelant de ta vie de chérubin insoucieux,
Les vagues te portent vers d’autres rives, les rives captives
De tes songes ingénus de ton existence naïve…
Sur le radeau chétif de tes tourments nocturnes,
Cabotant sur l’étendue abîmée de tes illusions taciturnes…
L’écume salie emporte ton petit corps vers d’autres rives, où tu dérives,
Les rives d’une fin maladive…
« Petit Papa Noël,
Quand tu descendras du ciel… »
Autour de l’arbre vénéré, au pied des branches illuminées,
Tu découvres tes présents, qui brillent dans tes pupilles émerveillées,
Qui font battre ton cœur où bouillonne l’amour
D’un âtre chaleureux, d’un chocolat chaud, de petits-fours…
Au pied d’un mur glacial, le vent giflait tes joues gelées,
Ton regard terne scrutait une lueur, une chaleur à travers le barbelé
Qui emprisonnait ton cœur d’où l’amour,
Dissipé, envolé, cédait la place à une haine de vautour…
Tu n’entendras jamais ces comptines,
Tu ne fredonneras jamais ces chansonnettes, ces vers qui riment,
Tu ne dormiras jamais au son de ces berceuses,
Tu ne connaîtras jamais ces contes, ces histoires prodigieuses…
Tu entendras des cris et des pleurs,
Tu fredonneras des sanglots de malheur…
Tu te blottiras au fond de ta couche creusée dans ta tombe,
Car tu es né sous les bombes…
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