mardi 26 février 2008

LES YEUX


Les yeux

Des yeux grands ouverts,
Des yeux entrouverts…
Des yeux barbares,
Des yeux hagards…
Des yeux menteurs,
Des yeux trompeurs…
Des yeux espions,
Des yeux félons…
Des yeux traîtres
Te guettent.


Les yeux épient
Tes jours et tes nuits.
Ils surveillent
Ta lune et ton soleil.
Les yeux écoutent
Tes peurs et tes doutes.
Les yeux étranglent
Tes cris et la révolte qui t’ébranle.
Les yeux bâillonnent
Ton cœur qui bouillonne.


Les yeux traquent
Tes gestes, tes dires et tes tracts.
Les yeux fouillent
Dans tes secrets et les dépouillent.
Les yeux creusent
Des sentiers dans ta foi pieuse.
Les yeux contrôlent
Tes dires et tes écrits qui auréolent
Tes yeux aveuglés
Par les yeux meurtriers.


Les yeux assassinent
Ta liberté qui fulmine.
Les yeux maquillent
Tes droits et tes acquis.
Les yeux fardent
Ta vérité et tes songes de barde.
Les yeux déguisent
Ton histoire, tes ancêtres et ton âme grise.
Les yeux voilent
Tes yeux et tes râles.


Des yeux dévêtus,
Des yeux civils, des yeux en tenues…
Un trait de rimmel
Sur des yeux de fiel.
Du mascara noir
Sur une paupière qui braille une fausse gloire…
Du kohol obscur
Sur des cils impurs.
Des yeux incultes
Qui te dénudent de ton savoir et de tes cultes.


Des yeux de hyène,
Qui écorchent ta chair et ravivent ta haine.
Des yeux voleurs
Qui te ravissent ton bonheur.
Des yeux violeurs
Qui emportent ton honneur.
Des yeux d’Hannibal,
Des yeux de cannibales,
De pouvoir avides,
Sur des corps arides…


Des yeux en chaleur
Qui crachent sur ta douleur.
Des yeux collés à des orbites vieillies,
Des yeux affaissés sur des fauteuils flétris
Par des années d’une mutinerie, tue, décimée…
Des yeux agrippés à des fauteuils dorés,
Endormis sur des lauriers fanés, qui puent,
Qui empestent le déclin des tyrans imbus.
Des yeux traîtres
Qui te guettent…


Derrière ton écran bleuté en veille,
Les yeux veillent sur ton sommeil.
Entre les lignes d’un journal
Que tes yeux survolent sans mal,
Les yeux jettent l’encre vermeille
De leurs pensées fauves,
Entre les rimes d’une chansonnette populaire,
Les yeux sonnent le glas de la cloche du calvaire,
Qui rappelle à un désordre
Qui se dit ordre !
Qui rappelle à une confusion
Qui se dit fusion !


Les yeux se fondent dans la foule
Pour brouiller les ondes d’une masse qui s’écroule.
Les yeux pleurent des larmes factices
Pour amadouer des cœurs en silice,
Des cœurs qui endurent les mensonges des yeux,
La violence des yeux,
La mascarade des yeux,
Qui endurent… mais qui restent durs et fiers face à ces yeux
Menteurs, violents, travestis, infâmes,
Des yeux qui suffoquent dans un taudis en flammes.


Des yeux sales,
Des yeux pourris, des yeux de mal,
Des yeux corrompus,
Des yeux affamés, des yeux de rue,
Guettent tes yeux,
Tes yeux de femme, tes yeux d’homme, tes yeux en feu…
Tes yeux où les mots se noient
Dans des perles de rancune et d’émoi.
Tes yeux de rébellion,
Tes yeux en ébullition.


Les yeux bandent tes yeux en sang,
Calcinent tes paupières, consument tes souvenirs d’enfant.
Les yeux embrasent ta vue,
Incinèrent ta peau enragée qui sue
Une hargne, une lutte et qui gesticule
Pour arracher ce bandeau lilas qui brûle
Sous la furie des foudres de ton corps abandonné,
De ta dépouille en cendres mal aimée,
De ton corps qui bataille,
Pour ôter de tes yeux la grisaille.


Tes yeux entrouverts,
Tes yeux grands ouverts,
Pour découvrir ce nouveau monde,
Pour humer cette liberté arrachée, tes droits qui grondent.
Tes yeux d’où fuse
L’amour d’une vie tant convoitée qui s’use…
Tes yeux hurlent une envie de vie dérobée,
Une envie de vie désirée,
Une envie de vie en lumière,
Un brasillement, une aurore, un éclair…

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