David, Ali et le cèdre
David avait planté un cèdre
Dans le jardin, au dessus de la colline fleurie,
Un jardin de roses et de hêtres,
Sur une colline de lilas et de lys…
Le cèdre de David
S’élançait dans les airs, hardi,
Brave, vaillant et avide
De passion, d’amour et de vie.
Ali avait planté un cèdre
Pour que son ombre protège les siens,
Ses voisins, ses enfants et ses ancêtres,
Ses compagnons de route et ses prochains.
La pluie bénite arrosait l’arbuste
D’une eau sainte, pieuse,
D’une eau sacrée, auguste,
Pour désaltérer les radicules creuses.
Une ronde de mômes entourait
Le robuste tronc, sur cette marne miroitante.
Des branches, pendaient
Des feuilles verdoyantes…
Des émeraudes en diadème,
Se balançaient, au son d’une brise mélodieuse
Que sonnaient les cornes muses lointaines
Des bergers d’une Galilée radieuse…
Les enfants tournoyaient autour du baliveau,
En entonnant une cantate joyeuse,
Ils se tenaient par la main, tel un halo,
Unis dans cette danse fiévreuse.
Des colombes s’envolaient dans le ciel cramoisi,
Au dessus du fleuve qui s’écoulait, paisible…
L’ombre du cèdre couvait la vallée endormie
Dans un étrange calme, un silence impassible…
Le ciel s’assombrit,
Les nuages couvrirent le soleil couchant,
Le noir recouvrit la crête obscurcie,
Et le silence se fut plus pesant…
Un tonnerre détona
Et la lumière fut !
La foudre se détacha
Du néant fendu…
Les branches craquaient,
Le feuillage avait noirci,
Le tronc, jadis épais et rude, se clivait,
Les crevasses fêlaient les racines meurtries…
Le sol sacré se lézardait
Et les cœurs se brisaient…
La colère des cieux avait crevé
Le cèdre et les corps chastes qui priaient…
Des corps chastes qui priaient pour une plaine infinie de cèdres,
Une immensité de colombes éthérées,
Des corps chastes qui imploraient les imams et les prêtres,
Les rabbins et les archanges immaculés.
Des corps chastes qui adjuraient les dieux et les croix,
Les étoiles et les croissants glorieux,
Pour qu’une auguste main de l’au-delà,
Protège le cèdre des flammes et du feu…
Mais le cèdre s’embrasa,
David et Ali le virent se calciner,
Les cendres se répandaient sur la sainte terre, sur les lys et les lilas,
Sur les chaires des corps chastes qui priaient,
Et priaient, priaient,
En vain…
Les cendres se répandaient sur les larmes ardentes qui coulaient,
En vain…
David et Ali, accroupis, comme dans un étrange Angélus,
Ramassaient les poussières grisâtres du cèdre anéanti,
Leurs mains enlisées dans la glaise arrosée de pleurs et de détritus,
Tremblaient d’une crainte honteuse, d’une tristesse avilie…
Leurs mains recueillaient les restes brunis du cèdre
Pour les déposer fébrilement dans une urne vénérable,
Leurs mains agrippaient la mémoire décousue de leur être
Qui s’évanouissait dans le vase friable…
Le récipient fut scellé scrupuleusement,
Et déposé délicatement dans le caveau,
Il s’envolera sur les ailes des colombes, dans les effluves du vent
Qui balayait la cité désertée par le chaos.
De quel côté du mur l’enterrer ?
Sur quel versant du Mont Méron souillé, sali ?
David et Ali, consternés,
Dévisageaient le coffre maudit…
Les langues se dénouèrent,
Les voix lancèrent des injures obscènes…
Les mains se muèrent en poings vulgaires
Et les regards se noyèrent dans un océan de violence et de haine…
…Et le sang coula,
Pour arroser cette terre avide d’amour et de tolérance,
Pour irriguer ces cœurs absents, ces âmes éperdues, sans voies,
Ces corps sans foi, ces corps en souffrance…
L’urne s’écrasa, les cendres se répandirent
Dans l’immensité maussade qui enveloppait David et Ali,
Les débris de verre tranchèrent les chairs en ire,
La foudre trancha la toile éteinte, noircie…
…Et le silence se fit,
Un lourd silence, pesant et pénible,
Un silence de mort, un silence de survie…
Un silence horrible…
A travers les rayons timides
Du soleil qui se levait, bien au loin,
Des cèdres poussaient, sur la colline aride,
Une savane de cèdres, naissant du néant…
Naissant de l’amour d’une terre lésée,
De l’amour d’une patrie ensevelie
Sous les cendres des cèdres brûlés
Par des mains assassines, des mains sans vie…
Le cèdre jaillira de cette glèbe poussiéreuse,
L’homme sera son tronc solide,
La femme sera ses branches majestueuses,
L’enfant sera ses feuilles candides.
L’homme sera son pivot et ses racines,
La femme sera la pluie qui l’abreuvera,
L’enfant sera les ramures qui culminent,
Le cèdre de David et Ali vaincra…
jeudi 21 février 2008
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