mardi 19 février 2008

DES VERS BRISES

Des vers brisés



J’ai brisé mon verre,
Les éclats entaillent ma chair,
Les débris cisaillent ma main qui saigne,
Un mal rédempteur ronge mon corps, délirante teigne…
Je marche, pieds nus, sur des vers brisés,
Des vers assassinés, des odes cassés,
Ma peau délabrée, éventrée, puante…
Je marche dans une mare gluante…


Abcès d’une vie arrangée qui dérange,
Larve s’insinuant dans mes veines, qui démange…
Où suis-je ?
Je suis perdu,
Je suis pendu…


Je pousse le lourd rideau écarlate, une odeur huileuse et enivrante d’épices, d’encens et de mort envahit mes poumons…


Je discerne à peine la lueur émanant de la minuscule chambre plongée dans une obscurité tamisée ; une obscurité censée me protéger et m’embaumer mais qui me dénude et me glace…
Je m’avance lentement, mes jambes tremblent, ma langue est nouée, mes lèvres sèches sont collées, mes mains blessées pansées suent…
J’ai peur…
J’ai mal…


Des doigts frêles, ornés d’anneaux et d’agates surgirent de ce noir envoûtant et m’invitèrent à m’approcher et à m’asseoir…


Je marche, pieds nus, sur mes vers brisés…
Je marche, plantes endolories, épuisées…


A travers un voile ombreux,
Les traits d’un visage vaseux,
Des mots brumeux,
Un chuchotement ténébreux…
Je discerne à peine sa face et ses paroles,
Je me noie, une sueur froide me colle…
J’ai peur…
J’ai mal…


Elle tend sa main, ossature fragile, cassante,
Caresse ma main tremblotante,
Et me rassure :
« Je soignerai tes blessures. »…

Mon corps s’agite, je frisonne, je grelotte dans cette chaleur nouvelle qui me momifie…
Mes pensées vacillent et s’écrasent, sans un bruit, vides, sur le sol poussiéreux…
Je trémule, je titube et je tombe…


« Bois cette tasse, le café est corsé, parfumé de girofle et de cannelle,
Bois ce breuvage,
Sors ta rage,
Ta haine
Et tes peines…
Bois mon fils. »…


Et je bus…
Le liquide brûlant embrasa ma langue, consuma ma gorge…

Elle prit la tasse de mes mains, la renversa d’un coup sec sur sa paume maigre, lécha le nectar qui débordait, et fixa de ses pupilles sans âme le verre…



Farandoles de bribes et de paroles…
Macabre acteur dans un piètre rôle…
Ses dires lancinants griffent ma face décousue,
Eraillent mon profond écorché, fendu…


Je me décompose, me scinde en miettes,
Mon épave désossée, en cendres, décrète
Ma fin… Corps exclu, vieilli, abandonné,
Qui pleure un passé, un présent et un futur ruinés…



Elle scrute le verre de ses yeux éteints, sa respiration ronflante emplit la pièce, ses râles braillards se répandent sur les murs lézardés, son souffle rugissant inonde le silence agonisant…

La tasse glisse et s’écrase, sans un bruit, sur le sol étouffé, sur mes pensées vides, écrasées, sur mes vers brisés…

Elle saisit brusquement mon visage entre ses mains cadavériques…
Elle broya mon cou…
Mon corps convulsa, sursauta…

« Tu es mort… Tu es dévoré par un amour diabolique, pourri… Tu es mort… ».



Je me débats, emprisonné dans les griffes d’une exorciste insurgée, hystérique…
Libéré de ses tenailles cabalistes, je cours vers la lumière, vers cet amour pervers, satanique, je cours et je vole vers ton corps espiègle, vers ton maléfice, vers ton sortilège, vers ma vie…



Je marche, pieds nus, sur mes vers brisés,
Des vers assassinés, des odes méprisés,
Je marche, calomnié, rejeté, déshonoré,
Je marche et je marche sans arrêt…



Créateur des cieux et de la terre,
Jéhovah de mon corps qui se terre,
Sauveur de mon âme qui erre,
Eternel de mon cœur amer…
Aide-moi…


Si son amour est une mort annoncée,
Quelle plus belle fin pourrais-je espérer ?

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