La vengeance de l’enfant bleu
Dans sa cabane de paille,
Dans ses rêves en mailles,
L’enfant bleu scrutait le ciel,
Prunelles de miel,
Au delà des dunes,
Infinie infortune…
Sur sa plaine sacrée,
Sur sa terre castrée,
Sous une nuée de lucioles,
Emporté par une enivrante farandole,
Le tendre chérubin pleurait
Son histoire enterrée…
Sa mère, Aïcha, sous une bruine de sueurs, préparait le délicat pain matinal, affairée, emportée par la suave et fraîche odeur qui emplissait la minuscule pièce où son novice dormait.
Son père, David, était parti, à l’aube, sur le chantier du mur, poser les masses géantes de béton qui devaient séparer sa terre, celle de son géniteur, immigré Irlandais de celle de son épouse et de ses ancêtres…
L’enfant bleu, à travers ses paupières entrouvertes, guettait les mouvements savants de sa nourrice, sa silhouette fragile et ses gestes appliqués.
Il pensait incessamment au retour du paternel au crépuscule, aux moelleuses friandises qu’il le lui rapporterait et à l’inconditionnel présent pour célébrer son anniversaire…
Ce soir, il fêterait ses onze printemps…
Il priait, en silence…
Identité perdue,
Corps défendu,
Terre inconnue,
Foi méconnue…
L’enfant bleu errait dans ses pensées vagabondes,
Voguait sur l’écume de son âme profonde
Et se noyait…
Oublié…
Matrice voilée,
Génitrice dévouée,
Sa mère le couvait
D’un amour illimité…
Géniteur sémite,
Cœur émérite,
Son père lui vouait
Une affection passionnée…
Métisse de deux religions qui se battent,
Bâtard entre deux peuples qui se combattent,
Hybride de deux parents aimants,
L’enfant bleu déambulait dans le néant…
Ce matin, comme tous les autres matins, il priait en silence, priait son dieu à lui, le dieu de son univers eurasien, pour que sa maman ne l’oblige pas à se rendre à l’école…
Le supplice au quotidien…
Le tourment perpétuel…
Le châtiment divin, celui de leur dieu, du dieu des autres, qui ne le comprenait pas…
Enclavé, assujetti, incompris…
Entre ses amis,
Ses compagnons de classe,
Son identité perdue qui le terrasse,
Chaque matin,
Chaque soir…
Ses prières s’envolent,
Des bancs de l’école,
Dans le ciel impur,
Vers les pierres du mur
Où les kippas se balancent et s’agitent,
Où les kippas de lamentent…
Ses prières s’envolent,
Des bancs de l’école,
Vers les pierres d’une révolution castrée,
D’une révolte d’enfants châtrés,
D’un peuple déraciné,
D’une masse exilée…
Ses prières s’envolent,
Des bancs de l’école,
Vers les pierres du mur de la honte,
Vers le rempart de l’affront,
Vers ces amas de béton,
Qui sillonnent sa terre d’étron…
Le soleil commençait à rougir, les nimbus s’étiraient dans un azur vermeil, l’enfant bleu attendit le retour de son père…
Les minutes passèrent, il sortit de sa modeste demeure et partit à la rencontre de son paternel…
Il longeait les piles de mortier grisâtre, il chantonnait un air hybride qu’il avait composé, une cantate insolite, baroque, d’amour et de paix…
Un long escalier lui barrait le chemin, les marches montaient vers une bastille encore déserte…
L’enfant bleu gravit le colimaçon en silence, il atteignit le sommet de la minuscule bastille, haletant, épuisé…
Sur sa gauche, le crépuscule flamboyant embrasait la ville sainte qui s’est enveloppé d’un manteau capucine étincelant…
Sur sa droite, la cité hébraïque se préparait à une nuit d’incertitude, à un calme vacillant dans un brouillard aveuglant…
L’enfant bleu se mit debout, en haut de la muraille, les bras tendus pour maintenir un équilibre fragile, aléatoire…
Sur cette colline sacrée, balancé entre la terre des mollahs et celle des sémites, comme le Christ sur sa croix fatale, l’enfant bleu déambulait, pas à pas, le long de la cloison…
Une force l’envahit, il se sentait homme, en ce jour mémorable, sur cette éminente hauteur…
Son corps fluet titubait, chancelait, vacillait, sous la brise glaciale…
Il chavirait à droite, puis à gauche, encore à droite, encore à gauche, perdu, éperdu, égaré…
Son corps chétif tremblait comme un rameau d’olivier dans le souffle exquis de la plaine de Nazareth…
Une envolée de colombes immaculées traversa le firmament écarlate comme une raie tranchant un cœur innocent, candide…
Sur la toile obscure
Qui enveloppait la ville pure,
Une étoile reluisait,
D’une timide lueur bleutée…
Aicha et David étaient attablés autour d’une énorme galette luisante sous le timide éclat des onze bougies…
Les présents étaient dissimulés sous le petit lit de l’enfant bleu…
Onze cierges,
D’une âme vierge,
Emportée au loin, à jamais...
Adieu
L’enfant bleu…
jeudi 21 février 2008
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