mardi 19 février 2008

DEMAIN, JERUSALEM...

Demain, Jérusalem…


Sur la colline de Nazareth, il y a deux mille ans,
Naquit Jésus, messager du Dieu puissant,
Messager de paix, d’amour et de tolérance,
Sur une terre d’abnégation et d’ignorance…


Il y a quinze siècles, dans le ciel de Nazareth,
Par une nuit magique à la clarté parfaite,
Mahomet survolait la plaine de Jérusalem,
Dans ses prières, entente et sérénité pour emblèmes…


De nos tristes jours, à Nazareth lieu saint,
Des rivières de sang et de haine coulent sans fin,
Les bombes et les tirs déchirent le silence,
La peur pleut sur ces corps en souffrance.


De nos maudits jours à Jérusalem, un matin d’automne,
Deux enfants assis, côte à côte, sur un banc d’école,
Karim et Isaac, élèves dans une même classe,
Hasard ou coïncidence d’un destin de glace ?



Deux semaines s’écoulèrent, les corps se dérobaient,
Les regards se fuyaient, les âmes détalaient…
Les mains copiaient avec ardeur les leçons d’une maîtresse,
Leçons d’une vie, d’une existence traîtresse…


Par une douce brise matinale de ce mois d’Octobre,
Karim s’assit sur son banc, Isaac rêvait, yeux dans l’ombre…
« Essalem alaykoum… »
… « Shalom ».


Essalem, Shalom… deux langues pour une paix fuyante,
Langues déliées, âmes réunies, sorts croisés, paix fumante.
Deux enfants, deux cœurs qui battent à l’unisson,
Deux corps innocents qui se battent sans raison.


Karim :
« Pourquoi tu t’appelles Isaac ?
Pourquoi tu es juif ?
Pourquoi tu tues mes frères, coulant leur sang vif ?
Pourquoi tu colonises mes terres ?
Pourquoi tu enterres mon histoire légendaire ? »


Isaac :
« Et toi, pourquoi tu t’appelles Karim ? Pourquoi tu es arabe ?
Pourquoi tu combats ma famille avec des sabres ?
Pourquoi tu habites seul, loin de nos villes ?
Pourquoi tu parles cette langue incompréhensible ? »


Trop de questions, trop de pourquoi,
Le pourquoi d’un enfant à la quête d’une foi,
Le pourquoi d’un corps innocent,
D’une âme blanche, d’un cœur d’encens…


Karim fixait Isaac et le dévisageait de près,
« Il n’est pas si différent de moi, se dit-il, en vrai !
Il a deux yeux, un nez, une bouche et dix doigts,
Il parle, il rit, il pleure, comme moi, comme ma sœur Ghada ! »


Isaac inspectait Karim, le scrutait avec attention et ferveur,
« Il n’est pas si méchant que ça, ni si violant d’ailleurs,
Il est plutôt gentil, poli et fort en sciences,
Comme David, Benjamin et moi », pensa-t-il en silence.


Deux jours passèrent et la barrière s’effondra,
La guerre des différences se brisa,
Les mots et les rires se partagèrent,
Des émotions, l’histoire d’une enfance qui erre…
Karim découvrit Isaac et Isaac découvrit Karim,
Ils parlèrent de leur famille, de leurs repas, de leurs coutumes…
Ils jouèrent ensemble dans la cour du collège,
Ils coururent sous la pluie en riant, exultant manège.


Le soir, Karim rentrait dans son ghetto apeuré,
Sur ses terres occupées, où sa mère et sa sœur se terraient,
Il repensa à son nouvel ami, pourtant si différent,
A leurs jeux, à leurs leçons, à leurs rires d’enfants…


Isaac dans son lit, s’abandonna à Morphée,
Et rêva de son compagnon dans un champs d’oliviers,
Le soleil brillait dans un ciel azur,
Les colombes s’envolaient libres et pures…


Un coup de fusil ébranla le calme mensonger de la bande,
Bande occupée, captivée, accaparée, tremblante…
Par ce matin gris, pluvieux, Karim partit,
Enjambant les corps mutilés, les rivières pourpres, pourries…


De barrage en barrage, et de contrôle en contrôle,
Il traversait sa ville qui brûle sous une morne banderole,
Sourd aux cris des soldats hargneux, aux missiles qui s ‘abattaient,
Il avançait, rigide, fort, par habitude, peur ou fierté…

Des mères pleuraient, sur un champs de mines sans failles,
Ruines enterrant leurs novices, leurs entrailles,
Des chairs havées gisaient, proies à une mort épouvantable,
Alignées dans un champ épineux tel l’échine du diable…


Karim arriva à l’école, en premier, Isaac le suivait,
La chaise de la maîtresse absente ou morte, vide, pesait,
Couvre-feu oblige, les enfants repartirent à leur demeure,
Nos deux compères se séparèrent à regret ; demain sera meilleur…


Avec son père, Isaac se promenait en ville,
Les vitres volèrent en éclat, les murs tombèrent en vrille…
Voiture piégée, bain de sang, corps déchiquetés, péris,
Un ange prit Isaac, si haut, loin du massacre, des cris…


Karim révisait ses leçons dans les tendres bras de sa maman,
Un char sioniste rasa, d’un coup sec, son modeste logement,
Son sang se mêla à sa terre, au sang de sa mère, de sa sœur,
Un ange le prit, si haut, loin du carnage et des pleurs…


Le lendemain, le banc d’école était vide,
Vide, vide…


Dans la cour, un autre Karim et un autre Isaac discutaient,
« Essalem alaykoum, Shalom… »
Un autre Karim et un autre Isaac riaient,
Un autre Karim et un autre Isaac rêvaient,
Un autre Karim et un autre Isaac priaient,
Pour que demain, Jérusalem,
Le drapeau blanc d’essalem,
Flottera dans ton ciel, élevé,
Le drapeau blanc de la paix…

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